Donald Trump a promis, dès son investiture, d’expulser massivement les étrangers en situation irrégulière, signant plusieurs décrets destinés à faciliter le travail des agents fédéraux. Les arrestations n’ont pas encore été confirmées mais la ville démocrate de Chicago, qui se sait dans le viseur de la nouvelle administration, se prépare. La peur s’empare de "Little Village", son quartier latino.
Alé, mécanicien, est originaire du Venezuela. Il a 26 ans, pas de papiers. Ce matin, il n’a pas déposé sa fille à l’école : "Je n'ai pas voulu l'emmener parce qu’ils disent que maintenant les services de l’immigration ont le droit d'entrer dans les écoles. Et j'ai peur qu'ils me prennent ma fille… Avec ces nouvelles lois, nous les illégaux, on vit dans une peur terrible. On est venus ici pour donner une vie meilleure à nos enfants. Mais s'ils nous enlèvent tout ça, qu’est-ce qu’on va leur donner ?"
"Si je ne travaille pas, comment est-ce que je vais nourrir ma famille ?"
Avec son salaire, Alé fait vivre cinq personnes. Il vient au garage à pied, pas en bus, il a trop peur d’être contrôlé : "Je suis obligé… Si je ne travaille pas, comment est-ce que je vais nourrir ma famille ? Biden, c’était un soulagement, avec lui on avait la possibilité d’un avenir meilleur. Il n’y avait pas cette peur dans laquelle on vit maintenant que Trump est de nouveau président."
Mercredi, des agents fédéraux de l’immigration ont été vus dans le quartier. Elia Corral, la patronne du garage, qui ne veut pas perdre son ouvrier, main-d’œuvre bon marché, a retenu les conseils des associations : ne pas leur répondre et ne pas les laisser entrer. "De toute façon, je vais changer de système : je vais fermer la porte à clé et faire poser une sonnette. Comme ça, personne ne pourra rentrer. J’ai le téléphone prêt à filmer s'ils essaient… Moi je n’ai pas peur, parce que je suis citoyenne américaine, les lois me protègent. Et puis, il faut bien que quelqu’un les défende !"
À Little Village, les vendeurs de rue ont tous disparu. Les rues sont étrangement vides. "Ça me rappelle le Covid", dit Jessica, venue au salon de coiffure refaire sa teinture. "Je suis d’accord pour qu’on expulse les délinquants. Mais les gens qui travaillent... Dans l’immeuble de Trump, et dans tous les immeubles du centre, il y a beaucoup de Latinos. Ils nettoient les bureaux, ils travaillent dans les restaurants… Pourquoi il n’a pas fait une loi pour les protéger ?"
D’après le bureau du gouverneur, les services de l’immigration ont une liste de 2 000 personnes à arrêter dans la seule ville de Chicago.