Émeutes en Nouvelle-Calédonie : en quoi consiste l’état d’urgence, réclamé par Sonia Backès, Éric Ciotti et d’autres élus ?
«La ville de Nouméa et ses alentours [...] sont dévastés par des actes terroristes, organisés par le bras armé du mouvement indépendantiste[...] Nous sommes en état de guerre civile.» Dans une lettre adressée à Emmanuel Macron, l’ex-secrétaire d’État, Sonia Backès, réclame l’instauration de l’état d’urgence sur l’archipel du Pacifique face aux émeutes qui embrasent le Caillou depuis plus de 48 heures. Aujourd’hui présidente de l’assemblée de la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie, elle alerte sur les menaces qui pèsent sur la sécurité des Calédoniens.
Selon Sonia Backès, seul l’état d’urgence permettra de «ramener la paix et la sécurité [...], notamment en engageant l’armée aux côtés des forces de police et de gendarmerie». Et va jusqu’à affirmer que «sans une intervention massive et urgente de l’État, nous perdrons le contrôle de la Nouvelle-Calédonie dans les prochaines heures, nous perdrons des vies [...] et la France perdra sa souveraineté».
Et l’ancienne secrétaire d’État n’est pas la seule à plaider pour cette option sécuritaire. Le président des Républicains, Éric Ciotti, a également demandé au gouvernement «d’activer l’état d’urgence sur ce territoire». Le député Nicolas Meztdorf et le sénateur Georges Naturel ont fait la même demande dans la foulée, dans une lettre au président. «Nous sommes à l’aube d’une nuit de tous les dangers», écrivent-ils. Mais alors, en quoi consiste l’état d’urgence ?
Renforcer l’autorité
Institué par la loi du 3 avril 1955 pour faire face aux «événements» en Algérie, l’état d’urgence est décidé par simple décret en conseil des ministres et peut être déclaré sur tout le territoire, ou seulement une partie. Il est décrété en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, ou en cas de catastrophe naturelle majeure. Sa durée court sur 12 jours et peut être prolongée, mais il faut alors une loi votée par le Parlement. Concrètement, il permet de renforcer les pouvoirs des autorités civiles - les magistrats et officiers investis du pouvoir - et de restreindre certaines libertés publiques ou individuelles.
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Quand l’état d’urgence est en place, le ministre de l’Intérieur et les préfets peuvent décider de plusieurs mesures exceptionnelles :
- l'interdiction des manifestations, cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique ;
- la mise en place de périmètres de protection pour assurer la sécurité d'un lieu ou d'un évènement ;
- l'interdiction de certaines réunions publiques ou la fermeture de lieux publics et de lieux de culte ;
- des perquisitions administratives ;
- des réquisitions de personnes ou moyens privés ;
- le blocage de sites internet prônant des actes terroristes ou en faisant l'apologie ;
- des interdictions de séjour ;
- des assignations à résidence.
Sur son site, le gouvernement renseigne que ce régime d'exception a été appliqué six fois entre 1955 et 2015 : lors des attentats pendant la guerre d'Algérie, au moment des «Événements» en Nouvelle Calédonie en 1984, période durant laquelle l’archipel a été en proie à une guerre civile pendant quatre ans, opposant les soutiens et opposants à l’indépendance. L’état d’urgence avait également été décrété lors des violences urbaines en 2005 et à la suite des attentats terroristes de novembre 2015 à Paris et Saint-Denis.