« On est des passionnés » : au Salon du Bourget, la ferveur populaire ne faiblit pas
Le sol tremble. Le fracas du tonnerre semble emplir l’air. Les têtes se dirigent vers le ciel. Les téléphones se lèvent, plus personne ne bouge ni ne parle. Comme si quelqu’un avait appuyé sur pause. Et lorsque l’avion de chasse, se pose sur le tarmac, les allers et venues des visiteurs reprennent, naturellement. Chacun y va de son commentaire : « Lui c’est le F35 ». « Pas du tout, c’était le Mustang ! »
Ce week-end, ce sont entre 160 000 et 170 000 visiteurs qui sont attendus au Salon du Bourget, sur un total de plus de 300 000 participants pendant la semaine. C’est un « moment de rassemblement » selon Guillaume Faury, président du Gifas, le syndicat patronal de la filière française, entre grands groupes - 83 entreprises du top 100 mondial ont répondu présentes -, équipementiers, PME et start-up.
En visite sur le Salon ce vendredi 20 juin, Emmanuel Macron a exhorté l’Europe à mener une «reconquête à marche forcée» dans le domaine du spatial. Face à la concurrence, il a insisté sur la nécessité que l’Union européenne se donne les moyens de devenir une «puissance spatiale» et a promis de «se battre» pour une «préférence européenne» en la matière. Un contexte qui ne passe pas inaperçu. Car l’événement a ouvert sa 55e édition le 16 juin dans un monde secoué par les conflits : guerre en Ukraine, conflit israélo palestinien et maintenant iranien, guerre commerciale et droits de douane pesant fortement sur l’aéronautique…
2 400 exposants venus de 48 pays
Sur les stands, les industriels sont pleinement mobilisés. Un employé de MBDA, travaillant dans le métier du test, attire les curieux avec une maquette d’un missile : « On va simuler une panne sur l’engin que le visiteur va devoir corriger » grâce aux différents boutons activables, explique-t-il. Ils sont plus de 2 400 exposants venus de 48 pays présenter leurs services, dont 85 des 100 premières entreprises aéronautiques mondiales. Et si on entend parler toutes les langues, c’est bien la langue de Molière qui domine. 45% des exposants sont français, montrant la puissance de la filière aéronautique tricolore.
En sortant des hangars blancs dans lesquels s’alignent les stands des industriels, c’est une explosion de lumière, d’air chaud… et de tours de haute voltige. À l’ombre de l’immense airbus A380, une famille, tête en l’air, admire, fascinée, le ballet de la quarantaine d’avions qui se succèdent dans le ciel aujourd’hui. « On est des passionnés, on vient pour les démonstrations » lancent-ils, en engloutissant des sandwichs jambon-fromage.
«Le Bourget est une bonne occasion pour nouer des liens, avoir des discussions »
Sous le soleil de plomb, d’autres prennent leur mal en patience. Benjamin, 26 ans, a entraîné son amie pour pouvoir monter sur le Rafale F5, qui sera livré entre 2030 et 2035. Cela fait 2 heures 30 qu’ils patientent sur le stand du ministère des Armées, et ils ont probablement encore une bonne heure d’attente devant eux. Les billets ont été pris il y a plusieurs mois, et les questions que Benjamin pourra poser au mécanicien une fois juché sur le cockpit ont été préparées avec soin.
Coline, 24 ans est aussi passionnée d’aéronautique, mais préfère assister aux conférences qu’aux démonstrations. « Le Bourget est une bonne occasion pour nouer des liens, avoir des discussions », explique celle qui vient de finir un master en aerospace. Le Bourget est en effet une occasion en or pour mieux explorer les différents métiers. Plus de 25 000 embauches, dont 6 000 d’apprentis, sont prévues en France cette année selon le GIFAS, syndicat patronal de la filière. Le carnet de commandes à honorer est bien rempli, entre les 8 726 avions à produire et la préparation de l’avion décarboné du futur… Et cette année, les femmes, qui représentent 27% des emplois de la filière, sont à l’honneur.
Celles ayant un parcours dans ce secteur sont particulièrement mises en avant, comme Anne Ducarouge, ingénieur chez Airbus et triple championne du monde de vol en planneur, qui a partagé son parcours avec le public. « Il y a un besoin de porter un message d’incarnation, de montrer aux jeunes que les femmes sont présentes dans l’aéronautique, et leur dire que c’est à leur portée » explique Alexia Belleville, chef de l’initiative Femmes de l’aéro et du spatial, projet copiloté entre le Gifas et le SIAE. Elle vise à célébrer les contributions des femmes dans ces secteurs et à promouvoir les carrières féminines. La relève semble motivée en ce 20 juin : quatre collégiennes venues d’Amiens, sacs Eastpak sur le dos, racontent s’être levées à 5 heures du matin car « ça nous intéresse comme secteur ». Vivier d’opportunités de carrière, occasion de s’émerveiller… ce salon mondial de l’aéronautique offre à chacun une raison d’être là.