Des traumatismes ignorés, un âgé évalué « à vue d’œil »… Mineurs non accompagnés, comment la France bafoue ses engagements internationaux
Un nouveau rapport accablant pointant les dysfonctionnements de l’Aide sociale à l’enfance, dans la protection des mineurs étrangers non-accompagnés (MNA), a été rendu public ce jeudi 3 juillet par l’Association d’accès aux droits des jeunes et d’accompagnement vers la majorité (Aadjam) et Utopia 56. Le texte dénonce en premier lieu « les disparités majeures qui caractérisent les pratiques des différents conseils départementaux ». L’étude révèle ainsi « une inégalité territoriale flagrante, qui bafoue les engagements internationaux de la France et consacre une forme préoccupante d’inégalité devant la loi, principe à valeur constitutionnelle ».
S’appuyant sur une enquête menée de fin 2024 et début 2025 auprès d’avocats, de collectifs de défense des exilés et d’ONG, dans 38 départements, ce rapport intervient deux jours après que le Conseil d’État a refusé « de reconnaître tout effet contraignant aux constatations du Comité des Droits de l’Enfant (de l’ONU) », rapporte le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Et ce, alors même que les recommandations du Comité, visant au respect des exigences posées par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), correspondent aussi à celles au rapport de la Commission d’Enquête parlementaire, adopté en avril dernier, sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, ainsi qu’à celles de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme dans son avis adopté, pour sa part, le 12 juin dernier.
« Garantir la présomption de minorité »
Dès son arrivée en France un enfant exilé non-accompagné est censé avoir la possibilité de demander une protection, « sa première difficulté (est de) comprendre où et comment y accéder », pointe le rapport, qui démontre que les enfants ont de grandes difficultés à identifier le bon interlocuteur, notamment la nuit et les week-ends.
Par ailleurs, les associations constatent que le bilan de santé, pourtant rendu obligatoire par la Loi Taquet de 2022, au moment de l’accueil provisoire d’urgence d’un mineur isolé, n’est pas organisé dans plus de la moitié des départements. Certains mineurs arrivent pourtant profondément traumatisés par leur parcours d’exil. En outre, « le département n’initie jamais la reconstitution de l’état civil des jeunes pendant cet accueil », précise le rapport, alors même que dans leur grande majorité des MNA disposent de papiers officiels à leur arrivée.
L’aspect le plus inquiétant de l’étude réside dans les disparités existantes concernant l’évaluation de l’âge de l’enfant en exil. Elle est basée sur des critères « très subjectifs », pointe Angelo Fiore, membre d’Utopia 56. Elle se fait en grande partie sur l’apparence physique du jeune et la cohérence de son récit de vie. « Marqués par leurs parcours, les jeunes apparaissent plus vieux qu’ils ne le sont et pour certains on leur reproche des incohérences dans leur récit, mais avec les traumatismes subis (viols, tortures…) le cerveau se protège et ils ne se souviennent plus de tous les détails », assure le militant associatif.
Les conséquences chiffrées de ce mode de fonctionnement sont sans appel. En 2023, sur 2 550 saisines du tribunal, suite à des évaluations contestant la minorité de MNA, 1 550 mineurs ont été reconnus comme tels par un juge des enfants soit près de 61 %. Et ce « après avoir passé parfois plus de 18 mois à survivre à la rue », expliquent les associations.
Cette réalité est en parfaite contradiction avec la recommandation du rapport de la commission parlementaire, d’avril 2025, préconisant, comme l’avait fait précédemment le Défenseur Des Droits en 2022, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unis et plus récemment la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), de « garantir la présomption de minorité d’une personne se présentant comme mineur non-accompagné jusqu’à la décision de justice la concernant, lorsqu’elle conteste la décision du département sur l’évaluation de sa minorité. »
« Il est urgent de revoir en profondeur le système législatif et administratif de reconnaissance de la minorité, afin de garantir une protection égale et effective à tous les enfants, sur l’ensemble du territoire », demandent l’Aadjam et Utopia 56 qui ne manquent pas de souligner qu’en attendant, « des enfants dorment dehors chaque soir et doivent faire face aux dangers de la vie à la rue. »
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