Immigration : le Conseil de l’Europe résiste aux pressions et refuse d’affaiblir la Convention des droits de l’Homme

C’est un camouflet pour la première ministre d’extrême droite italienne, Giorgia Meloni, et sa collègue sociale-démocrate danoise, Mette Frederiksen. Obsédées par le durcissement des politiques migratoires, elles avaient pris une initiative, rejointe dans une lettre ouverte, par sept autres dirigeants de pays membres de l’UE, visant ouvertement une réduction des standards des droits garantis aux migrants par la Convention européenne des droits de l’homme. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, le Suisse Alain Berset, a rejeté ce samedi 24 mai tout affaiblissement de la Convention européenne.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui dépend du conseil de l’Europe, est l’objet des plus vifs reproches des neuf États partie prenante de l’initiative italo-danoise. Alain Berset a tenu à formuler une réponse au ton et au contenu plutôt fermes et inhabituels. S’il juge « sain » de débattre, il ajoute aussitôt que, « face aux défis complexes de notre époque, notre rôle n’est pas d’affaiblir la Convention, mais au contraire de la garder solide et pertinente ».

La volonté de durcir les politiques migratoires

Le Conseil, fondé en 1949 qui siège à Strasbourg, réunit, à l’heure actuelle, 46 pays membres. S’il siège dans la capitale alsacienne, il est une organisation totalement distincte de l’Union européenne. Son rôle sur le Vieux Continent n’en est pas moins important puisqu’il est chargé de veiller à la défense des droits de l’homme et de la démocratie, garantis dans plus de 200 traités et principalement par… la Convention européenne des droits de l’homme.

À la suite de l’Italie et du Danemark, l’Autriche, la Pologne, la Belgique, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la République tchèque ont demandé explicitement une révision des textes en mettant explicitement l’accent sur la nécessité d’un durcissement des politiques migratoires. Et de demander benoîtement si la CEDH n’avait pas « étendu la portée de la convention trop loin comparée aux intentions originelles ».

En réponse, Alain Berset écrit que « maintenir l’indépendance et l’impartialité de la Cour est fondamental ». Et d’ajouter : « Dans un État de droit, la justice ne doit pas être soumise à des pressions politiques (…). La Cour ne doit pas servir d’arme, ni contre les gouvernements ni par eux. »

En fait, derrière ce bras de fer, c’est la condamnation de la CEDH, bloquant l’envoi par le Royaume-Uni de demandeurs d’asile vers le Rwanda, qui fait l’objet des plus vives attaques. L’Italie de Meloni, qui envisage une procédure analogue après avoir passé un accord avec les autorités albanaises, est aussi en échec sur ce dossier alors que de nombreux dirigeants européens appellent de leurs vœux une « externalisation » des demandes d’asile vers des États tiers non-membres de l’UE.

À noter que le Français Gérald Darmanin, actuel ministre de la justice, participa, lui aussi, en son temps à la banalisation des remises en question des prérogatives de la CEDH. En 2023, alors qu’il exerçait comme ministre de l’Intérieur, la CEDH s’était opposé à l’expulsion d’un Tchétchène vers la Russie. Darmanin s’était alors dit prêt à payer l’amende imposée par la Cour en plastronnant : « Ce n’est pas grave », et ainsi décrédibiliser l’action et le verdict de l’institution judiciaire.

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