"L'administration Trump a déjà beaucoup donné à Vladimir Poutine et se retrouve coincée pour négocier", explique un spécialiste des États-Unis

Alors que le président russe ne montre aucun signe de conciliation envers l'Ukraine, qu'il continue d'attaquer, "Donald Trump est obligé de respecter le jeu de la diplomatie", analyse Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire et spécialiste des États-Unis. Tout le monde attendait la réponse de Vladimir Poutine à la proposition de trêve portée par les États-Unis, le président russe s'est montré en treillis militaire, jeudi 13 mars, ordonnant la poursuite des combats, et a déclaré un peu plus tard qu'une trêve ne se ferait qu'à ses conditions.

Des conditions qui n'ont pas changé depuis le début : 20% de territoire en moins pour l'Ukraine, l'interdiction d'une intégration dans l'Otan et l'éventuel remplacement du président Zelensky par une personnalité plus proche du pouvoir russe. Ce à quoi Donald Trump a prudemment réagi qu'il s'agissait d'une réponse "prometteuse quoiqu'incomplète". "Au moment où [Donald Trump] répondait, un de ses envoyés spéciaux, Steve Witcoff, était censé s'entretenir avec [Vladimir] Poutine, tempère Corentin Sellin, il est donc obligé de respecter une forme de prudence pendant que les négociations jouent."

"Que reste-t-il à négocier ?"

Mais selon le spécialiste, le président américain se retrouve surtout embarrassé "parce qu'il a déjà tant donné sans contrepartie à Vladimir Poutine qu'il se retrouve prisonnier de la réponse de ce dernier". L'administration Trump assure depuis un mois qu'il n'y aura pas "d'appartenance à l'Otan pour l'Ukraine", rappelle Corentin Sellin, et elle soutient depuis 2014 que les Ukrainiens "devraient renoncer à leurs territoires perdus". "L'administration Trump a envoyé comme signal qu'elle était prête à lui céder énormément", résume l'historien, ce qui fait de Vladimir Poutine "le maître des horloges, ce qu'on a vu hier", ajoute-t-il. La situation est aujourd’hui telle, selon Corentin Sellin : en voulant mettre la pression pour "gagner du temps", le président américain s'est montré "hâtif" en suspendant l'aide américaine aux Ukrainiens. Maintenant Vladimir Poutine se retrouve "en position favorable" militairement et décide de n'en faire qu'à sa tête.

Selon le spécialiste, Donald Trump a donc été surpris du non-ralliement du président russe à une trêve plus ou moins imposée sans condition aux Ukrainiens : "De toute évidence, ce n'est pas du tout l'intention de Vladimir Poutine de s'y rallier", analyse-t-il. "Et on a vu des réactions très intéressantes de la part de sénateurs du camp de Trump immédiatement après la réponse de [Vladimir] Poutine et après la réponse de [Donald] Trump, poursuit-il, qui ont dit qu'il allait falloir maintenant imposer des sanctions très lourdes à Poutine." Cependant il y a un "hiatus" entre la position de ces sénateurs républicains et le président Trump, constate Corentin Sellin, qui rappelle que l'électorat républicain est aujourd'hui aux deux tiers "hostile à l'aide militaire à l'Ukraine et favorable à un cessez-le-feu rapide".