Connaissez-vous Carola, la Mireille Mathieu des Suédois ?
Si vous allez en Suède, vous entendrez forcément parler de Carola. À la douane à l’aéroport international d’Arlanda à Stockholm, vous passerez devant son portrait géant placardé à côté de ceux d’autres célébrités du royaume, du regretté DJ Avicii à l’actrice Alicia Vikander. Dans les kiosques à journaux, vous la verrez à la une des magazines people comme Hänt i Veckan. À la radio sur MixMegapol, l’équivalent de MFM ou Nostalgie, vous entendrez ses premiers tubes Främling et Fångad av en stormvind.
La petite brune au sourire ravageur, aujourd’hui âgée de 59 ans, n’est probablement connue en France que des fans de l’Eurovision. Car, entre 1983 et 2006, Carola a représenté la Suède à maintes reprises. En 1991, elle est même arrivée à la première place, ex aequo en points avec Amina, la candidate de la France. La Suédoise l’avait finalement emporté, car elle avait obtenu davantage de « 12 points », la note maximale à l’Eurovision.
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Passer la publicitéDisciples en transe et saluts nazis
Charmante et fraîche, Carola Häggkvist s’est imposée à 16 ans. C’était en 1983 sur la scène du Melodifestival, le concours national dont le gagnant représente la Suède à l’Eurovision. Alors que les Français écoutent Africa de Rose Laurence et Comme toi de Jean-Jacques Goldman, les Suédois fondent pour Carola chantant à plein poumons Främling. Avec ses mélodies rythmées sur fond de synthés, ses paroles simples et ses refrains entêtants, elle s’impose comme une chanteuse de schlager, un genre musical très populaire chez les Vikings. Avec sa petite chemise à rayures rose, Carola chante l’amour tout en étant sage comme une image. C’est un raz-de-marée. L’album se vend à un million d’exemplaires, ce qui se remarque dans un royaume de 10 millions d’habitants. Avec de solides études musicales, une bonne expérience de la scène et déjà plusieurs passages à la télévision, Carola est prête.
Mais pas forcément pour le scandale qui va exploser. Des extraits audio où l’on entend sa voix cristalline pousser des cris violents contre le « démon » manquent de briser sa carrière. Lassée par la sobriété du protestantisme, Carola comme 10 000 autres disciples est entrée dans Livets Ord (« les Mots de la vie »), la plus puissante secte du pays. Messe géante avec le bras tendu qui rappelle le salut nazi, caméras qui filment les disciples en transe, fanatiques hurlant « je suis alpha, je suis omega » et jetant leurs économies dans des seaux remplis de billets... La visite du QG à Uppsala au nord de Stockholm marque ceux qui y sont passés à vie.
Carola est l’idole de toute la jeunesse. Livets Ord ne pouvait rêver mieux comme tête de gondole. Grâce à elle, le mouvement explose pendant les années 1990. Carola y épouse le jeune pasteur Runar Sögaard, sorte de Claude François norvégien. Ces deux-là seront pendant des années, le couple préféré de la presse people nordique. Dans un palace de la capitale, Carola pose avec John Travolta devant les caméras. Entre scientologues et adeptes de la secte Livets Ord, on partage beaucoup. Après avoir été les porte-paroles du mouvement pendant plusieurs années, Carola et Rune Sögaard finiront par le quitter. Régulièrement interrogés sur cette période de leur vie, ils n’ont de cesse de regretter la souffrance « psychologique » imposée par le gourou à ses disciples.
Centrée sur le gospel et les chants chrétiens, Carola n’a jamais cessé de travailler. Peu à peu, le scandale s’estompe. Au début des années 2000, elle se lance dans la pop avec succès. Depuis, elle a chanté à la cérémonie officielle des 30 ans de la princesse héritière Victoria. Puis devant tout le gotha européen, lors du mariage de la future reine avec son coach sportif Daniel Westling. En Suède et en Norvège, Carola est régulièrement jurée dans les émissions de télé-crochet comme The Voice. Cet automne, elle fêtera ses 40 ans de carrière avec un grand concert pop dans l’arena à Oslo. Puis elle se rendra au Texas, cette fois pour y reprendre son répertoire de chants religieux.