Six nations 2025 : Manon Bigot, combattante de feu du XV de France
"Des santiags ? Mais pourquoi des santiags ?" Les yeux encore emplis de fatigue, samedi dernier à Parme, Manon Bigot, la mine déconfite, essaie tant bien que mal de comprendre pourquoi sur son starter pack, l'un des objets représentés pour la définir, est une paire de bottes de cowgirl. A 34 ans, la doyenne des Bleues sourit aux blagues qui fusent du côté du staff sur sa prétendue pratique de la danse country. Appelée comme remplaçante pour ce Tournoi des six nations 2025 pour suppléer Agathe Sochat au talon, elle porte, très à l'aise, la tunique de titulaire depuis le deuxième match, et aura le n°2 dans le dos en Angleterre, samedi 26 avril, à Twickenham pour la "finale" de la compétition (à 17h45 en direct sur France 2 et france.tv).
Pourtant, pour celle qui porte les couleurs de Blagnac depuis 2013, entrecoupée d'une longue pause entre 2018 et 2023, la relation avec l'équipe de France n'a rien d'un long fleuve tranquille. Il faut dire que Manon Bigot a connu plusieurs vies mais n'a jamais lâché l'envie de jouer en bleu, faisant preuve d'une détermination et d'une abnégation rare.
"L’amour du maillot, c’est comme l’amour du drapeau", affirmait-elle dans les colonnes de Rugbyrama après sa prestation XXL contre le Pays de Galles, où elle a été élue meilleure joueuse du match et a marqué son premier essai chez les Bleues. Pourtant, la talonneuse a enregistré sa première sélection en 2016, à l'époque où la titulaire tricolore à ce poste se nommait... Gaëlle Mignot, désormais sélectionneuse de l'équipe de France. "Je connais bien Manon pour avoir eu la chance de partager des moments avec elle en équipe de France", rappelait d'ailleurs cette dernière avant le deuxième match à La Rochelle.
Le rugby en ligne de mire
Le parcours de Manon Bigot n'est en rien linéaire. Cette native du Loir-et-Cher, fan de rugby depuis son enfance, a peiné à trouver un club et a choisi dans un premier temps le handball. Hormis en UNSS (Union nationale du sport scolaire) où elle titille le ballon ovale, la jeune femme attend ses 23 ans, après plusieurs mois dans l'armée, pour tenter l'aventure rugby en club. A Blagnac, en banlieue de Toulouse, les qualités de guerrière de la talonneuse sont rapidement repérées : "C'est une grosse ferrailleuse, a confié pendant le Tournoi, la centre Gabrielle Vernier, sa coéquipière en bleu et à Blagnac. Une force de caractère que j’ai rarement vue".
En trois ans, la talonneuse s'est ouvert les portes de la sélection nationale, où elle est retenue pour un premier Tournoi, puis une tournée d'été et d'automne. Vient alors le temps de la Coupe du monde en Irlande en 2017, où elle fait partie du groupe élargi. Elle s'organise alors pour mettre en pause son travail et se rendre disponible. Mais à six mois de l'échéance, Bernard Laporte, alors nouveau président de la Fédération française de rugby (FFR) coupe des têtes dans le staff des Bleues : exit le sélectionneur et son adjoint, qui venaient de remporter le Tournoi 2016. "J'ai fait partie des dommages collatéraux, on va dire", se remémore la joueuse auprès de franceinfo: sport. Elle continue quelques mois à Blagnac avant de tout stopper pour se consacrer à une autre passion : son métier de pompier.
De l'abnégation et de l'expérience au service des Bleues
Ce n'est qu'en 2023, une fois réussi le concours de pompier professionnel, que Manon Bigot rechausse les crampons. Quelques mois plus tard, elle fait partie d'un rassemblement des Bleues à Toulouse, avant d'être sélectionnée pour le Tournoi 2024. "Je n'y joue que 10 minutes en tout", confie-t-elle encore à franceinfo: sport. De la tournée d'automne au Canada, pour le "Women XV", elle se blesse gravement à la cheville, victime d'une fracture de la malléole.
A 34 ans, beaucoup y auraient vu un signe que l'heure de la retraite internationale avait sonné. Pas Manon Bigot. "Elle mérite amplement d'être là, avec tout le travail qu'elle fournit. [...], assure Gabrielle Vernier. C'est un exemple pour beaucoup. On suit son lead par l'exemplarité qu'elle met au quotidien dans tout ce qu'elle fait", complète la centre de l'équipe de France.
La cosélectionneuse tricolore, Gaëlle Mignot, confirme : "Sa place avec nous est naturelle, car elle performe avec son club. Elle apporte l'énergie, l'agressivité dont l'équipe aura besoin. Elle a peut-être peu de sélections, mais un grand vécu rugby". Et un appétit féroce de victoires en bleu. "On est deuxième derrière les Anglaises depuis X années, expliquait-elle aux confrères de La Nouvelle République il y a quelques semaines. Le but, c’est d’aller les taper chez elles et d’envoyer un message fort avant la Coupe du monde." Un Mondial (du 22 août au 27 septembre) auquel elle ne peut s'empêcher de rêver. Elle aura alors 35 ans et toujours autant d'envie.