« On perd un vrai journal, un peu plus de notre liberté d’expression » : Siné Mensuel va mettre la clé sous la porte

L’aventure aura duré dix-sept ans, mais elle va s’achever en mars prochain : le magazine Siné Mensuel, fondé par le dessinateur Siné en 2008, et repris par sa veuve Catherine Weil Sinet à sa mort en 2016, va s’arrêter. Le journal, en déséquilibre financier, ne cesse de perdre de l’argent.

Il s’est rêvé sans publicité, et sans grand financier pour le soutenir. Mais, aujourd’hui, le titre est étranglé par les factures qui tombent tous les mois, son budget grevé sans cesse par la hausse du prix du papier, des tarifs postaux, du loyer… Soit 16 000 euros de déficit chaque mois. Au printemps dernier, un appel aux dons avait permis de recueillir auprès des lecteurs 181 000 euros.

De quoi « tenir » quelque temps de plus, avant de jeter l’éponge : « Les lecteurs sont comme tout le monde, ils n’ont pas de sous. Je ressens de la honte à quémander, je n’en peux plus », avoue Catherine Weil Sinet au téléphone. Elle avoue ressentir de « la tristesse » pour tous les collaborateurs du journal, et en particulier pour les dessinateurs, dont les débouchés se raréfient.

Un symbole de la crise qui frappe la presse

Pour Catherine Weil Sinet, les vraies difficultés du journal remontent au moment de la pandémie, en 2020. « J’ai eu le malheur d’écrire que les soignants devaient être vaccinés : ça nous a valu 3 500 mails d’insultes et 2 000 désabonnements de lecteurs », s’étonne-t-elle encore. « La rigidité des lecteurs de presse est assez démente : tu écris un élément qui ne leur plaît pas, dans un journal dont ils partagent l’essentiel des valeurs, et tu les perds », regrette, un tantinet amère, la directrice de la publication. Elle se plaint aussi que les journalistes des autres titres relaient rarement le travail de Siné Mensuel.

Du côté des personnels du magazine satirique, on se désole, même si l’on comprend la décision. La dessinatrice Soph’ rappelle qu’au moment de l’attentat contre Charlie Hebdo, en 2015, « on est tous descendus dans la rue pour protéger la liberté de la presse et défendre le dessin. Mais des médias qui laissent de la place aux dessins de presse, il y en a de moins en moins ».

Pour Patrick Pelloux, chroniqueur depuis 2017 dans les pages du magazine satirique, « Catherine Weil Sinet est une femme remarquable, qui a réussi une aventure formidable. Mais il s’agit là de la débâcle de la presse, de la vente des journaux, d’un modèle économique qui ne fonctionne plus, complètement laminé », au profit de grands groupes et de milliardaires dont les intérêts sont convergents. « On perd un vrai journal, un peu plus de notre liberté d’expression », relève le médecin.

Catherine Weil Sinet annonce qu’une exposition sur l’histoire de Siné Mensuel aura lieu lors de la prochaine édition du festival de Saint-Just-le-Martel, en septembre prochain.

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