Notre critique de La Trilogie d’Oslo : Désir, des rêves de suie
Et un dernier pour la route. Désir - le titre original est Sex : on a de ces pudeurs - clôt la trilogie de Dag Johan Haugerud. Naturellement, l’action se passe toujours à Oslo. Un homme se confesse en plan fixe, face à l’objectif. Drôle de rêve qu’il a eu la nuit précédente. Dedans, il y avait David Bowie. Le chanteur le regardait d’un air étrange, comme un séducteur considère une femme. Cela l’a troublé. Il raconte cela avec une précision qui ne manque pas de tremblement. À qui parle-t-il ? À son thérapeute ? Pas du tout. L’image s’agrandit : voici, à sa droite, dans ce qui ressemble à une cantine d’entreprise, son collègue ramoneur.
Dans le genre - défense de rire -, ce dernier lui en réserve une belle. La veille, ce brave père de famille a couché avec un client qui le lui a proposé sans ambages. Pour lui, l’aventure est sans lendemain, juste une expérience. Il a eu le tort d’en informer son épouse qui ne l’entend pas de cette oreille. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Est-ce la première fois ? Il est donc gay ? Va-t-il recommencer ? Il s’étonne, après ça. Ces choses-là se gardent pour soi. Selon lui, l’affaire ne tire pas à conséquence. Il n’y a pas eu tromperie puisqu’il a avoué. La réelle trahison aurait été de mentir. C’est un point de vue. Mais puisqu’il vous dit qu’il est hétérosexuel, enfin !
Passer la publicitéLes deux héros partagent la pratique de la natation en piscine et le goût des discussions sur les toits en tenue de travail (pas une trace de suie : nous sommes en Norvège). Il y a aussi une chorale et une fanfare, un fils qui demande aux élèves de sa classe combien gagnent leurs parents, une visite chez une doctoresse qui traite le serment d’Hippocrate à la légère.
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Haugerud analyse les relations humaines dans toute leur complexité. On voit qu’il a été romancier. Il évite les poncifs, accommode son récit à la sauce vérité. Entre deux conversations - le film est un peu bavard, à la limite parfois soûlant -, la caméra s’attarde sur les bâtiments de la capitale, ses tours, ses espaces verts, ses quais battus par le vent, ses étrangers avec leurs valises, la corne des bateaux ou le cri des mouettes.
Cas de conscience ?
Soudain, comme ça, surgissent deux jeunes mariés qui sortent de la mairie. À d’autres instants, il est question des théories de Hannah Arendt, d’un amant qui se fait tatouer Frank Lloyd Wright au cours d’une brève séquence en noir et blanc. La perplexité règne sur ces cas de conscience qui n’en sont peut-être pas, tout cela traité avec une candeur, un naturel qui confondent. Les hommes affrontent toutes sortes de problèmes. Il peut leur arriver de s’en créer. La fidélité est sans doute un mot. La crise de la quarantaine existe.
En plus, l’un d’eux a le dos qui pèle. Quelle différence entre le sexe pur et l’amour conjugal ? Une certaine chaleur, une douce intimité baignent ces dialogues où un Rohmer rougirait souvent. À aucun moment, les héros ne sont nommés. Manière de dire que leurs tourments s’adressent à M. Tout-le-Monde. Une énigme demeure : qu’en aurait pensé David Bowie ?
La note du Figaro : 2,5/4