Féminicide de Sandra Pla : un procès contre l’État, « pour les autres »
Mickael Falou a été condamné le 31 janvier dernier à 30 années de prison pour le meurtre de son ex-compagne, le 2 juillet 2021. Ce jour-là, appelés par des voisins eux-mêmes alertés par des cris, les policiers étaient arrivés au domicile de la jeune femme de 31 ans, mère d’une fille de 4 ans, pour la découvrir morte, tuée de plus de vingt coups de couteau dont l’un, mortel, à la carotide.
Les six mois de harcèlement par téléphone et messages, le véritable guet-apens tendu le matin du meurtre par celui qui est resté caché plus de 4 heures dans un appentis pour guetter sa victime : tout a montré au cours du procès, alors que Mikael Falou niait toute préméditation, que le féminicide ne devait rien au hasard et tout à un plan préparé.
67 appels et 317 SMS envoyés en moins de 6 mois
D’ailleurs, la famille de Sandra Pla estime que ce meurtre aurait pu être empêché. C’est pourquoi sa mère, son beau-père et son frère ont porté plainte contre l’État, en mars 2024, pour faute lourde. Plainte qui devait être examinée lundi 24 mars par le tribunal judiciaire de Paris. « On voyait venir le drame », expliquait à l’époque Me Elsa Crozatier, leur avocate.
La chronologie des faits est éloquente. Sandra quitte son compagnon fin décembre 2020. Dès le 6 janvier, elle porte plainte pour violences conjugales. Le 24 février, elle demande une ordonnance de protection auprès du juge aux affaires familiales de Bordeaux – demande rejetée après une semaine. Fin mars, elle veut porter plainte pour harcèlement : on ne lui laissera enregistrer qu’une simple main courante. Le 30 mars, elle écrit au procureur et au président de la République : « Je crains le pire des dénouements sans votre intervention. » Sans effet.
Depuis trois mois, Mikael Falou se montre menaçant. Il se poste tous les jours devant le logement de la jeune femme, comme en attestent les images de la vidéosurveillance installée par ses parents – qui vivent en Espagne mais finissent par s’installer chez elle pour ne pas la laisser seule. Mais comme l’ex-amant reste dans la rue, qui est un espace public, les policiers refuseront toujours d’intervenir. Il se montre devant l’école de leur fille, dont il n’a pas la garde. Il se livre à un véritable harcèlement téléphonique : 67 appels et 317 SMS seront recensés, entre le 3 janvier et le 18 juin 2021. Sandra Pla vit dans un tel état de tension et de peur qu’un médecin des urgences médico-judiciaires lui prescrit 15 jours d’interruption temporaire de travail.
« Pour ma fille, c’est trop tard, mais les autres ? »
En vain. Jusqu’au 15 avril, où sa première plainte finit par déboucher sur… une enquête sociale. Où les professionnels recommandent « des mesures de nature à faire prendre conscience à Monsieur de la gravité de ses actes » ainsi qu’« une obligation de soins ». Puis le 29 juin, Mikael Falou se voit enfin convoqué et mis en garde à vue, d’où il ressort sous contrôle judiciaire… un jour et demi avant le meurtre.
Sandra Pla « n’a jamais eu la protection qu’elle souhaitait », déplore Me Crozatier, et « sa famille veut que ça n’arrive plus jamais à d’autres ». En 2024, Annie, sa mère, expliquait : « (Pour) ma fille, c’est trop tard, mais les autres ? Il y a encore des féminicides, je ne peux pas rester les bras croisés ». Les autres comme Chahinez Daoud, elle aussi victime d’un féminicide, dans la région de Bordeaux, quelques jours auparavant, dont le meurtrier voit son procès s’ouvrir ce même 24 mars – et dont la famille a également porté plainte contre l’État.
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