«Ils ne connaissent pas la priorité à droite» : les fraudeurs à l’examen du Code de route exaspèrent les auto-écoles

«Ils ne connaissent pas la priorité à droite» : les fraudeurs à l’examen du Code de route exaspèrent les auto-écoles

2,1 millions d’examens du code de la route sont organisés chaque année (chiffres de 2023). Phovoir / auremar - stock.adobe.com

DÉCRYPTAGE - La privatisation partielle de l’examen du Code de la route, a ouvert la voie aux pratiques frauduleuses. Mais la technique peut coûter très cher en bout de course aux tricheurs.

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Il y a même des soldes en ce moment. Sur les réseaux sociaux, Snapchat notamment, il est possible d’acheter son code de la route à partir de 150 euros, sans avoir même à se rendre dans le centre d’examen. La manipulation est extrêmement simple : un premier interlocuteur vous demande votre pièce d’identité et vous inscrit dans un centre d’examen complice de la fraude. 

Le jour-J, l’examinateur complice du premier malfaiteur permet discrètement à un individu (connaissant le code de la route sur le bout des doigts) de passer l’examen à votre place. Le tour est joué, en quelques heures vous recevez l’attestation de réussite à l’examen théorique du permis de conduire, sésame indispensable pour se présenter ensuite à l’examen pratique. 

Depuis 2016, l’État a privatisé partiellement l’examen théorique du permis de conduire. Dans six organismes agréés en 2025 (La Poste, France code, Bureau Veritas...) il est possible de passer son code pour un coût fixe de 30 euros, et une inscription simplifiée en ligne. Si le but reste de désengorger les centres d’examens préfectoraux, «où l’on attendait jusqu’à 6 mois pour passer son code», se souvient Catherine*, gérante d’une auto-école à Fontenay-sous-Bois, la privatisation a également ouvert la voie à cette fraude massive. «On voit arriver des élèves qui ne connaissent pas bien les panneaux, et qui ne maîtrise pas le B-A-BA de la conduite, la priorité à droite par exemple», abonde Sofia*, monitrice à Montreuil. 

Celui qui arrive à l’examen pratique et ne connaît pas bien le Code n’obtiendra pas son permis

Patrick Mirouse, présidents des auto-écoles Ecf

Selon les auto-écoles interrogées, les fraudeurs sont particulièrement représentés au sein de deux populations : les jeunes, et les non-francophones. «Pour passer son code en langue étrangère, il faut se rendre dans un centre préfectoral, où les délais et procédures sont plus lourds», soutient Catherine, «quelque part, la lourdeur administrative les pousse à frauder». «Pour les jeunes, ils le font par facilité, les solutions des réseaux sociaux prennent vite le pas sur le reste, mais c’est contreproductif», prévient-elle. 

La fraude peut faire perdre beaucoup de temps et d’argent

Tout comme Patrick Mirouse, présidents des auto-écoles Ecf, Catherine argumente «que les heures non passées à réviser son Code de la route sont des heures à devoir l’apprendre sur le tas dans la voiture». À 60 euros environ l’heure de conduite, la fraude qui ne coûtait que 150 euros initialement, peut vite s’avérer beaucoup moins rentable. 

«Je veux finalement rassurer les gens», lance le président des auto-écoles Ecf, «cette fraude coûte d’abord à ceux qui la produisent». Selon lui, elle ne peut non plus représenter un «danger de sécurité routière», car celui «qui arrive à l’examen pratique et ne connaît pas bien le Code, n’obtiendra pas son permis». «Culturellement, on pense que le Code est difficile, mais il faut s’enlever l’idée de la tête. Avec un peu de travail tout le monde peut l’obtenir très rapidement», conclut-il.  

Des sanctions pénales et un risque d’annulation du permis de conduire 

Face aux alertes, la traque aux fraudeurs s’organise. Les services territoriaux de l’État disposent, depuis septembre 2023 de l’outil Polex (police des examens) dont la finalité est, grâce à l’intelligence artificielle «de prévenir, détecter et signaler les comportements frauduleux», explique la direction de la sécurité routière (DSR). Des données sont particulièrement scrutées, tels que le taux de réussite anormalement élevé, la distance anormale du domicile des candidats, la progression très rapide du taux de réussite de candidats…

Selon la DSR, ces contrôles «portent leurs fruits». En 2024, 7000 épreuves du code de la route ont été annulées pour fraude et 84 centres d’examen fermés, contre 3100 épreuves annulées et 29 centrés fermés en 2023.

S’il est difficile de quantifier l’ampleur de la fraude, le ressenti sur le terrain demeure que les condamnations pour fraudes ne sont pas assez importantes. «Depuis deux ans, nous n’avons qu’un élève concerné par une annulation du permis de conduire pour fraude à l’examen du code», illustre cette secrétaire d’auto-école à Montreuil. «J’en suspecte un petit peu plus...», conclut la monitrice de l’école.

*Les prénoms ont été modifiés