Épluchures, feuilles mortes, branchages: un an après la loi, le tri des biodéchets peine à se généraliser

Seulement 10% du volume des biodéchets est collecté et valorisé en France. WavebreakMediaMicro / stock.adobe.com

LE FIGARO DEMAIN - Malgré l’obligation de tri à la source des déchets organiques, tous les Français n’ont pas accès à un dispositif. Et même parmi ces derniers, peu encore passent à l’acte.

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Un an après l’entrée en vigueur de l’obligation de tri à la source des biodéchets, le constat est sans appel: le compte n’y est pas. Depuis le 1er janvier 2024, la loi antigaspillage pour une économie circulaire, dite loi Agec, impose aux collectivités de proposer aux usagers de solutions pour trier leurs déchets organiques, qu’ils soient alimentaires (épluchures, restes de repas, fruits et légumes périmés) ou en provenance du jardin (brindilles, feuilles mortes, produits de l’élagage...).

Or seuls 59% des Français déclarent avoir accès à une solution de collecte dans leur commune: bacs, composteurs, points d’apports volontaires... Et ces chiffres connaissent de fortes disparités selon les régions et tailles d’agglomérations. Au 1er juillet 2024, six mois après son entrée en vigueur, moins de 40% des Français étaient dans ce cas, selon le ministère de la Transition écologique.

Manque de moyens lié à la baise du Fonds Vert

Le manque de moyens fait partie des facteurs de dysfonctionnements du tri à la source. Le Fonds vert, qui a permis aux collectivités d’investir dans les équipements, a été amputé de 20% en 2024, ce qui freine les dépenses de fonctionnement et d’accompagnement de ce processus. «La distribution de composteurs individuels est en cours mais des difficultés émergent concernant les composteurs de quartier, témoigne Jean-Pierre, bénévole du groupe local Zero Waste de Saint-Quentin-en-Yvelines, en région parisienne. Le manque de techniciens pour l’entretien d’équipements non pris en charge par les associations est criant». En Normandie, «la communauté d’agglomération Seine-Eure propose à ses administrés de rembourser leur achat de composteur à hauteur de 150 euros par foyer. Mais cette approche repose entièrement sur les citoyens qui doivent eux-mêmes choisir et acheter du matériel, avant de demander un remboursement, ce qui peut s’avérer dissuasif pour beaucoup», explique pour sa part Jean-Yves, bénévole Zero Waste de l’Eure.

Et même lorsque les dispositifs sont là, les citoyens passent encore trop rarement à l’acte. Seul 10% du volume global est collecté et revalorisé, si l’on en croit une étude réalisée par OpinionWay pour Sulo, un des principaux acteurs français de solutions de précollecte. Ce qui représente un million de tonnes sur un gisement estimé à 10 millions environ.

C’est un immense gâchis car ce retard représente des millions de tonnes de déchets qui auraient pu retourner aux sols

Pauline Debrabandère, responsable de campagnes de l’association Zero Waste France

L’absence de communication de la part des collectivités et de sensibilisation des citoyens est également en cause. Si l’on en croit un sondage de l’Ademe en 2024, 38% des personnes interrogées déclarent «ne pas être suffisamment informées sur le tri à la source des biodéchets». «Mis à part dans le journal de la ville, l’information n’a été diffusée nulle part. La demande pour obtenir un bioseau est à faire soi-même et il faut aller le récupérer dans une zone industrielle difficilement accessible», témoigne Clément, un habitant de Clichy. La ville d’ Évron, en Mayenne, a même mis un terme au déploiement des composteurs collectifs en raison de trop nombreuses erreurs de tri.

«C’est un immense gâchis car ce retard représente des millions de tonnes de déchets qui auraient pu retourner aux sols, regrette Pauline Debrabandère, responsable de campagnes de l’association Zero Waste France. Au lieu de cela, ces matières pourrissent dans des décharges ou brûlent dans des incinérateurs, générant au passage des pollutions et émissions de gaz à effet de serre largement évitables», poursuit cette dernière. En effet, trier les biodéchets permet de fournir les agriculteurs en engrais organiques, produire du biogaz et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

En mai 2024, l’association France Biodéchets a été créée pour fédérer les acteurs du secteur et animer la filière, sous la présidence de Stéphan Martinez, le fondateur de Moulinot spécialiste de la collecte et de la valorisation des déchets alimentaires.