EN IMAGES. "On ne sait jamais où ils vont s'écraser" : contre les attaques de drones russes, l'Ukraine couvre ses routes de filets

Les routes ukrainiennes ont pris des allures de courts de tennis géants, voire de toiles d'araignée, qui s'étendent à travers champs, le long de la ligne de front. Des milliers de filets verts y ont été installés pour se prémunir des attaques de drones russes, qui sèment la terreur sur le territoire ukrainien. Depuis plusieurs mois, Moscou vise les hommes et les véhicules avec de petits drones FPV (first person view, ou "vue subjective" en français). Dotés d'une caméra embarquée, ces engins permettent à leurs pilotes de voir les images du terrain en direct comme s'ils étaient à bord.

Si, après trois ans d'invasion meurtrière de l'Ukraine par la Russie, l'utilisation de ces drones équipés d'explosifs est devenue courante des deux côtés, leur nombre et leur portée ne cessent d'augmenter. Pour s'en prémunir, l'armée couvre donc les routes de l'est du pays de kilomètres de filets verts, montés sur des poteaux de quatre mètres. 

Des filets de pêche qui bloquent les hélices

Il s'agit de filets de pêche, comme l'assure sur le réseau social X Tymofiy Mylovanov, économiste et ancien ministre de l'Economie de l'Ukraine. "Les hélices coupent le filet en plein vol, se bloquent et tombent. C'est la seule chose qui fonctionne encore contre les drones à fibre optique qui échappent au brouillage", explique-t-il. Les véhicules militaires ont eux aussi été équipés de filets, et certains arborent même des cages en mailles de chaîne qui rappellent le film Mad Max, comme le souligne le New York Times

Plusieurs pays contribuent à l'envoi de ces filets, à l'instar de la Suède et de l'Allemagne. Ludvig Ramestam, fondateur de l'association suédoise à but non lucratif OperationChange, affirme auprès du quotidien américain avoir fourni 250 tonnes de filets depuis le début de l'année. Des entrepreneurs néerlandais vivant en Ukraine lancent pour leur part un appel aux dons, sur X, pour financer le transport de ces filets de pêche, effectué sur la base du volontariat.

  

🕸️ Hundreds of lives saved. Millions in damage prevented. Don’t let us hit the brakes.

In recent months, we’ve been sending dozens of truckloads each month filled with discarded flower bulb and fishing nets to the front lines in Ukraine. These nets are a simple but powerful… pic.twitter.com/gisk6Ju4in

— De Leeuw Kyiv 🇺🇦🇳🇱 (@deleeuwkyiv) July 12, 2025

Un jeune commandant de brigade du génie ukrainien confirme auprès de l'AFP l'utilité de ce matériel : "Quand un drone heurte le filet, sa course est court-circuitée et il ne peut pas cibler les véhicules." Lors de l'installation, son équipe est protégée par des soldats équipés de fusils à pompe chargés d'abattre les FPV, qui ont déjà grièvement blessé plusieurs de ses hommes. "Même les civils ont fini par s'habituer", lâche le commandant.

Des soldats de l'armée ukrainienne installent des filets de protection contre les drones russes sur une route entre Kramatorsk et Dobropillia, le 12 juillet 2025. (DAVID ALLIGNON / ZUMA / SIPA)
Des soldats de l'armée ukrainienne installent des filets de protection contre les drones russes sur une route entre Kramatorsk et Dobropillia, le 12 juillet 2025. (DAVID ALLIGNON / ZUMA / SIPA)
Des soldats ukrainiens installent des filets de protection contre les drones russes sur une route entre Kramatorsk et Dobropillia, le 12 juillet 2025. (DAVID ALLIGNON / ZUMA / SIPA)
Des soldats ukrainiens installent des filets de protection contre les drones russes sur une route entre Kramatorsk et Dobropillia, le 12 juillet 2025. (DAVID ALLIGNON / ZUMA / SIPA)

Le danger ne se limite pas aux routes. Depuis début juillet, l'armée russe a commencé à utiliser ses drones FPV pour frapper la ville de Dobropillia, dans la région de Donetsk, à 25 km du front. Selon les soldats ukrainiens, c'est la première fois qu'une ville aussi éloignée du front est massivement et quotidiennement touchée, révélant de nouvelles tactiques russes.

"Ils changent de trajectoire très rapidement"

L'ennemi vise délibérément les magasins et les maisons. Les habitants vivent désormais dans la terreur, la nuit comme le jour : "Avant, ils nous envoyaient des missiles balistiques, mais la probabilité qu'ils tombent sur vous était faible. Désormais, on a le droit aux drones. Ils sont plus petits, mais ils changent de trajectoire très rapidement. On ne sait jamais où ils vont s'écraser. Alors oui, je trouve cela plus effrayant", assure Sofia, une habitante.

Conduire dans la ville est devenu très dangereux. Une autre habitante, Olga, ne prend presque plus sa voiture pour se déplacer : "On n'est plus en sécurité. Dès que je conduis, j'ai l'impression qu'un drone me survole. J'entends des bruits suspects, alors j'ouvre les fenêtres et je regarde de tous les côtés pour voir si je ne suis pas suivie." Quand les habitants n'ont pas les yeux en l'air pour tenter d'apercevoir des drones, ils les gardent rivés sur leur téléphone pour s'informer sur la messagerie Telegram de la présence de FPV au-dessus de la ville.

Des filets installés dans les rues de Orikhiv, dans la région de Zaporijjia (Ukraine), le 15 juillet 2025. (ANDRIY ANDRIYENKO / AP / SIPA)
Des filets installés dans les rues de Orikhiv, dans la région de Zaporijjia (Ukraine), le 15 juillet 2025. (ANDRIY ANDRIYENKO / AP / SIPA)

Chaque jour, les victimes affluent dans le petit hôpital de la ville. Selon son directeur, Vadym Babkov, les FPV "n'épargnent ni les travailleurs médicaux ni les civils". Comme les routes "ne sont pas encore couvertes à 100%" par les filets, les ambulances doivent prendre des détours de plusieurs kilomètres, diminuant l'espoir de survie des patients, explique l'homme de 60 ans à l'AFP. "C'est beaucoup de stress, mais on n'a pas d'autre choix que de trouver des solutions", ajoute-t-il.

Dans la nuit du mardi 15 au mercredi 16 juillet, une quinzaine de personnes ont été blessées par des centaines de drones russes qui ont notamment visé Kharkiv (nord-est), Kryvyï Rig (centre) et Vinnytsia (centre). Parallèlement, les troupes russes, qui occupent près de 20% du territoire ukrainien, continuent d'avancer sur le front. Pour les empêcher de progresser davantage, les Ukrainiens ont surtout besoin de plus d'armes occidentales. Après avoir décidé, début juillet, d'arrêter certaines livraisons d'armes à Kiev, dont des missiles de défense antiaériens, le président américain, Donald Trump, a annoncé, lundi, un réarmement massif de Kiev à travers l'Otan, en raison d'échanges infructueux avec Vladimir Poutine.