Huées, doigts d’honneur, imbroglio... Retour sur dix scandales qui ont secoué le Festival de Cannes
Depuis sa création en 1939, le Festival de Cannes est l’un des rendez-vous mythiques du cinéma mondial. S’il marque les esprits par son défilé de stars, il est aussi célèbre, malgré lui, à cause de ses nombreuses controverses. Des huées du public lors de la présentation de La Grande Bouffe aux larmes de Monica Vitti, en passant par le dérapage du sulfureux Von Trier, retour sur dix polémiques qui ont marqué le festival.
1960 : Les pleurs de Monica Vitti dans L’avventura
Considéré comme un chef-d’œuvre du cinéma italien, L’avventura de Michelangelo Antonioni a suscité la controverse lors de sa présentation à Cannes, le 15 mai 1960. Lors de sa projection, le film, qui raconte la disparition d’une jeune femme lors d’une croisière dans les îles Éoliennes, est accueilli par les huées et les sifflements du public. Humiliée, l’actrice principale Monica Vitti sort de la séance en larmes : « J’avais l’impression que tout le travail que j’avais fourni pour que ce film soit un succès était vain », commentera-t-elle quelques années plus tard. Une lettre de soutien sera publiée le lendemain de la diffusion. Le film d’Antonioni sera finalement récompensé du Prix du jury.
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1966 : Claude Lelouch termine ex aequo
Cette année-là, le jury de la 19e édition du festival n’arrive pas à trancher. Sous la présidence de Sophia Loren, il élit deux vainqueurs : Un homme et une femme de Claude Lelouch et Ces messieurs dames de Pietro Germi. Cette décision provoque la colère du public comme des critiques. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi le long-métrage tricolore, qui dépeint une histoire d’amour passionnée entre deux veufs inconsolables, n’est pas l’unique récompensé. Qu’importe. Le film traversera les décennies et deviendra culte.
1973 : La Grande Bouffe écœure les critiques
Réalisé par Marco Ferreri, La Grande Bouffe rassemble autour d’une table un casting cinq étoiles : Michel Piccoli, Philippe Noiret, Marcello Mastroianni et Andréa Ferréol. À l’écran, une bande d’amis qui s’enferme et qui mange jusqu’à la mort. Se voulant une critique du consumérisme et de la bourgeoisie, La Grande Bouffe remportera le prix FIPRESCI (prix de la critique internationale) sous les hués du public. À la suite de ces réactions, Philippe Noiret lancera malicieusement : « Nous tendions un miroir aux gens et ils n’ont pas aimé se voir dedans. C’est révélateur d’une grande connerie.»
1987 : Maurice Pialat conspué par les spectateurs
Présidé par Yves Montand, le jury de la 40e édition du Festival de Cannes décernera à l’unanimité la Palme d’or à Sous le soleil de Satan. Inspiré par le roman de Georges Bernanos, le film de Maurice Pialat suit l’intrigue de Mouchette (Sandrine Bonnaire), une jeune fille de 16 ans qui tue son amant d’un coup de fusil de chasse. Rongée par les remords, l’adolescente se confie à l’abbé Donnissan (Gérard Depardieu). Conspué par le public, Maurice Pialat répondra en levant le poing : « Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus ». L’année suivante, le long-métrage sera nommé dans sept catégories aux Césars.
1994 : Pulp Fiction et le doigt d’honneur de Tarantino
Un geste vaut mieux que mille mots. C’est le cas en 1994, lorsque Quentin Tarantino reçoit la Palme d’Or pour son film Pulp Fiction. Au milieu des applaudissements du public, la voix d’une spectatrice s’élève : « Quelle daube ! » hurle-t-elle, avant de poursuivre avec quelques grossièretés. Entre deux rires nerveux, le cinéaste lui répondra avec... un doigt d’honneur.
2002 : Irréversible et sa scène de viol
S’il n’a pas remporté de prix à Cannes, le film Irréversible du Français Gaspar Noé a suscité la controverse. C’est une litote. Le long-métrage porté à l’écran par Monica Bellucci, Vincent Cassel et Albert Dupontel est resté dans les mémoires en raison de son interminable scène de viol. Écœurés, plus de 200 spectateurs quitteront la salle durant la projection, tandis qu’une vingtaine d’autres seront victimes de malaises. Cela n’empêchera pas Monica Bellucci de défendre à plusieurs reprises le film, le qualifiant même de « féministe » en 2019.
2011 : Le dérapage de Lars Von Trier
Présenté en compétition officielle, le film Melancholia fait sensation en 2011. Si l’actrice Kirsten Dunst remporte le prix d’interprétation féminine, le long-métrage fait surtout parler de lui par son très controversé réalisateur, Lars Von Trier. En pleine conférence de presse, le cinéaste dérape et se met à évoquer Hitler : « Je dis que je comprends l’homme. Ce n’est pas vraiment un brave type, mais [...] je compatis avec lui », avant de poursuivre, plus loin : « Je ne dis pas que je cautionne la Seconde Guerre Mondiale et je ne suis pas antisémite [...] En fait je suis solidaire des juifs. Mais Israël me fait vraiment chi*r . » Visiblement gênée, l’actrice Kirsten Dunst a laissé échapper un « Oh my god ». S’il suggère qu’il a prononcé ces propos sous le ton de la provocation, Lars Von Trier sera contraint de s’excuser afin d’éteindre la polémique.
2013 : Asia Argento lance un doigt d’honneur sur le tapis rouge
19 ans après Tarantino, c’est au tour de l’actrice italienne Asia Argento d’adresser un doigt d’honneur. Alors qu’elle foulait le tapis rouge pour remettre le Prix du Scénario - qui sera décerné au film chinois A touch of sin - l’artiste a choqué la Croisette avec son geste provocant. Signe d’agacement ou volonté de faire parler de soi ? Personne ne le sait encore. Cette attitude ne l’empêchera pas de revenir à Cannes. Comme en 2018, où elle a déclaré sur scène lors de la cérémonie de clôture : « J’ai été violée par Harvey Weinstein ici à Cannes ».
2016 : La blague de Laurent Lafitte tourne mal
« Je n’étais ni un lanceur d’alerte ni le petit malin qui avait mieux compris que les autres les défaillances du système, mais je pensais simplement qu’on pouvait faire de l’humour », rembobinait Laurent Lafitte au Madame Figaro en mai 2025. Neuf ans auparavant, l’acteur enfilait pour la première fois le costume de maître de cérémonie. Lors du discours d’ouverture, Laurent Laffite lance à Woody Allen une blague douteuse : « Cette année vous avez beaucoup tourné en Europe alors que vous n’êtes pas condamné pour viol aux États-Unis ». La plaisanterie fait référence au metteur en scène Roman Polanski, condamné pour viol en 1977, aux États-Unis. Mauvais hasard du calendrier, le fils du réalisateur de Manhattan a reproché la même semaine aux médias de ne pas aborder les accusations d’abus sexuels sur sa petite sœur. La blague de Lafitte a provoqué un tollé et scandalisé les actrices Blake Lively et Kristen Stewart. Sous pression, Laurent Laffite s’était excusé le lendemain sur Twitter.
2021 : L’imbroglio de Spike Lee
« Le film qui remporte la Palme d’or est Titane », proclame avec un peu trop d’enthousiasme Spike Lee en 2021. Président de la 74e édition du Festival de Cannes, le cinéaste marque les esprits en annonçant le grand vainqueur au lieu du prix d’interprétation masculine. Malgré la tentative de l’actrice Doria Tiller d’arrêter le discours, le réalisateur ne comprend pas son erreur. S’ensuit un moment de flottement où Spike Lee se tourne vers les autres membres du jury afin de comprendre sa faute. Un moment hasardeux qui a toutefois fait sourire les téléspectateurs.