« Les drames migratoires sont le résultat d’un racisme systémique », dénonce Amnesty International France

Le nombre de décès sur d’autres routes migratoires qu’en Méditerranée centrale est en pleine explosion. Pourquoi ?

C’est le résultat de politiques européennes. Les personnes s’exposent à des dangers de plus en plus grands pour leur intégrité physique et leur vie afin d’atteindre l’Europe. Et ce n’est pas seulement le cas en mer. Nous avons documenté de nombreux décès dans le Sahara, à la frontière entre la Tunisie et la Libye. Des centaines de réfugiés se trouvaient bloqués aux frontières de la Tunisie avec la Libye en 2023.

Les expulsions qui ont eu lieu de l’Algérie vers le Niger sont également le résultat d’une reconfiguration des routes migratoires due aux accords passés entre les pays européens et ceux du Maghreb. Amnesty considère que l’Union européenne (UE) se rend complice de violations des droits infligées par ses partenaires étatiques à des demandeurs d’asile, des migrants et des réfugiés, allant jusqu’à provoquer leur décès.

Le projet d’Emmanuel Macron de créer, au Niger, des centres de tri des exilés s’inscrivait dans cette logique. Où en est-on aujourd’hui ?

Cela s’inscrivait dans un projet plus global d’externaliser les demandes d’asile. C’est d’ailleurs une volonté de l’ensemble des gouvernements à l’échelle mondiale. On l’observe aux États-Unis, depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Ces externalisations sont problématiques en termes de respect des droits humains et vont s’amplifier, au sein de l’UE, avec l’entrée en vigueur de nouvelles législations, notamment la révision de la « directive retour » et la mise en œuvre du pacte asile-immigration, en mars 2026. Celles-ci vont reconfigurer les frontières extérieures de l’Union et entraîner la création de nouvelles routes migratoires potentiellement plus dangereuses.

La présence d’ONG, en Méditerranée centrale, permet de sauver des vies et de documenter ce qui s’y passe. Ce qui n’est pas le cas dans les zones subsahariennes ou sur la côte atlantique de l’Afrique…

Ce qui est terrible, c’est l’ampleur de ce qui est invisible. On constate, par exemple, au niveau de Briançon et Montgenèvre, dans les Hautes-Alpes, que de plus en plus de personnes sont refoulées et décèdent dans les montagnes. Personne n’en parle.

C’est pareil dans toute l’UE. En 2022, à la frontière de l’enclave de Melilla, entre le Maroc et l’Espagne, des dizaines de personnes sont décédées. Ni le gouvernement espagnol ni le gouvernement marocain n’ont pris leurs responsabilités. Invisibles, ces décès sont également invisibilisés.

Faut-il en déduire que, pour certains, les personnes exilées constituent une humanité de seconde zone ?

En effet. En travaillant sur un récent rapport sur les conditions de vie des travailleurs immigrés au Canada, par exemple, nous avons constaté que les politiques migratoires s’y inscrivent dans un contexte historique fondé sur des discriminations issues de l’esclavage.

C’est pourtant un pays que l’on n’associe pas, de prime abord, aux violations des droits humains. Nous sommes face à des dynamiques structurelles d’un racisme systémique, à l’échelle mondiale. Nous constatons, en outre, que, partout, les personnes susceptibles d’aider les exilés sont elles-mêmes de plus en plus criminalisées et attaquées.

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