Pourquoi les syndicats lancent une grève «illimitée» chez Lidl ce vendredi
Les temps sont durs pour Lidl France, l’enseigne de hard-discount allemande qui représente près de 8% de parts du marché français. Après l’annonce brutale du départ de son vice-président Michel Biero la semaine dernière, les syndicats ont décidé de monter au créneau en appelant à «une grève illimitée» dès 5h du matin, ce vendredi. En cause ? Les conditions salariales négociées dans le cadre des NAO (négociations annuelles obligatoires) qui sont jugées insuffisantes.
La mobilisation à l’unisson de cinq organisations syndicales (CFTC, CGT, CFDT, FO-FGTA et SNCDD) est visiblement rare chez le sixième distributeur tricolore, implanté en France depuis 1989, qui compte aujourd’hui quelque 1500 magasins. «Une grève lancée en intersyndicale, cela n’a jamais existé. Jusqu’à présent, les mouvements ont été plutôt sporadiques, affirme un représentant syndical CFDT. La grève se tiendra vendredi et samedi. Nous verrons ensuite.» L’Unsa est la seule organisation à ne pas prendre part au mouvement.
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Opposition contre la généralisation du travail le dimanche
Vent debout contre la revalorisation de 1,2% proposée par la direction, les syndicats appellent à une «augmentation salariale décente». La généralisation du travail le dimanche à partir du 1er juin suscite également de vives oppositions. «On sait que Lidl ne peut pas rester de côté sur ce sujet. Mais la décision a été prise de façon unilatérale par la direction. On demande une négociation sur le travail le dimanche et les jours fériés», insiste par ailleurs le syndicaliste. Enfin, les représentants de salariés s’opposent aux objectifs de performance pour cette année qu’ils estiment bien trop élevés. «Lidl propose des mesures permettant de maintenir le pouvoir d’achat de ses salariés malgré un contexte économique complexe. L’ouverture généralisée le dimanche dans tous ses supermarchés s’accompagne de la majoration à 50% des heures travaillées le dimanche», rétorque la direction.
Dans ce contexte socialement tendu depuis plusieurs mois, le départ brutal du dirigeant de Lidl France, Michel Biero, annoncé la semaine dernière et qui sera effectif au 1er mars, est source d’inquiétudes. «C’est la personne du comité exécutif avec qui on pouvait échanger et discuter. Michel Biero était apprécié de ses collaborateurs. Son départ a beaucoup surpris», explique un syndicaliste. Dans l’entreprise depuis plus de 24 ans, le dirigeant avait pris la fonction de vice-président en août dernier, après avoir exercé quelques mois celle de président. Auparavant, il a été directeur exécutif des achats et marketing pendant 13 années.
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Période compliquée pour Lidl France
Apprécié pour sa compétence et sa passion pour le secteur, le très médiatique Michel Biero a joué un rôle clé dans le développement de Lidl en France. Et ce, en contribuant activement au changement de l’image de l’enseigne, moins «hard-discount», avec des produits frais et un parcours-client plus agréable. Sans pour autant sortir de son modèle commercial : les marques propres représentent environ 90% des produits commercialisés contre 10% pour les marques nationales. L’assortiment proposé dans les rayons est limité avec 5580 références en MDD. L’homme est également connu pour son engagement pour l’agriculture française.
À ce stade, les raisons de son départ restent secrètes. Selon un représentant du personnel, le dirigeant n’était peut-être pas suffisamment en ligne avec les nouvelles orientations du groupe pour tenter de gagner des parts de marché. Chose certaine : ce départ coïncide avec une période compliquée pour Lidl France. En 2024, les résultats de l’enseigne ont été en deçà des objectifs fixés, fait-on savoir du côté de l’enseigne.
De fait, Lidl n’échappe pas aux difficultés que traverse le secteur de la distribution alimentaire. La période est délicate pour les enseignes qui ne peuvent plus compter sur la crise inflationniste pour doper leurs revenus. En 2024, la consommation est restée au global morose dans les rayons alimentaires des grandes surfaces alors même que les prix ont baissé, pesant ainsi sur le chiffre d’affaires des distributeurs.
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Il reste que certaines enseignes tirent leur épingle du jeu depuis la flambée des prix, à l’instar de Leclerc , qui détient 24,2% de parts de marché (fin 2024), soit 1,7 point de plus gagné en 2 ans, ou encore Intermarché. À l’inverse, d’autres ont vu leur situation se détériorer. En difficultés financières depuis plusieurs années, Auchan a été contraint d’engager un plan social massif en novembre dernier. De son côté, Lidl n’a pas vraiment profité de la flambée des prix pour attirer les consommateurs dans ses rayons «discount», représentant 7,9% de part de marché contre 7,8% au 1er janvier 2023. Un niveau toutefois plus encourageant que son concurrent direct allemand, le hard-discounter Aldi, dont la part de marché reste inférieure à 3%.