« La Cour » d’Antarès Bassis : le petit théâtre du confinement

Cinq ans après la pandémie de Covid 19 qui a mis le monde à l’arrêt, on a presque oublié ce temps suspendu du confinement, douloureux pour les uns, paradoxalement heureux pour d’autres. Surtout pour celles et ceux qui avaient à disposition un espace où s’ébrouer, se dégourdir les jambes, partager un moment avec son voisin en dépit des restrictions et des mesures barrières. C’est cette petite utopie que raconte la Cour, long métrage d’Antarès Bassis tourné à domicile entre le printemps 2020 et l’automne 2021, au gré des confinements successifs. Depuis 17 ans, le réalisateur vit dans le même immeuble du quartier de Belleville, à Paris, un grand ensemble moderne un peu décati qui donne sur une cour vide.

Solaire dans sa première partie, le film alterne les moments collectifs et les paroles intimes : un ancien prisonnier politique iranien raconte par exemple comment, en détention, il alternait le sens de la marche pour supporter l’enfermement. Dans le rôle des personnages récurrents, les comédiens Luc-Antoine Diquéro et Marie-Christine Orry, privés de théâtre et de tournée, boivent leur café au soleil en commentant l’actualité, les interventions d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe. Après la pluie qui vient balayer la cour, les escargots qui s’accouplent font le bonheur des enfants, soudain libérés des écrans.

Des musiciens, un photographe, un passionné de philosophie

Microcosme intergénérationnel où se croisent des musiciens, un cinéaste, un photographe d’architecture devenu portraitiste pour l’occasion, un passionné de philosophie ou un étudiant en théologie, le film est traversé par les questionnements, les espoirs et les angoisses collectives : la continuité de l’enseignement pour les enfants, les revendications des soignants mises en musique et en chanson par une chorale improvisée. Bien sûr, les habitants et habitantes de cet immeuble de Paris intra-muros ne sont pas les premiers de cordée. Leurs pratiques artistiques et l’existence de cette cour les protègent certainement de chape de morosité qui s’est abattue sur celles et ceux qui n’avaient droit qu’à une heure de promenade quotidienne.

Quand, à l’automne 2021, avec le retour du couvre-feu, le conseil syndical de l’immeuble restreint l’usage de la cour, le film devient plus sombre. On lit l’épuisement, le découragement sur les visages, même si la résistance s’organise avec des concerts ou spectacles improvisés dans le parking de l’immeuble. Puis vient le moment des bilans, l’espoir de construire le monde d’après, douché par le retour à la normale, comme le pointe une jeune femme « confinée avec son cancer » et soignée in extremis juste après le déconfinement de mai 2020. Ce sont toutes ces histoires, miroir de nos vies sous cloche, que saisit avec beaucoup de finesse et un sens du détail Antarès Bassis, déjà auteur d’un très beau documentaire sur Grande-Synthe. Dommage que « la Cour » ne soit pour l’instant projetée que dans une salle, le Saint-André des Arts, à Paris.

La Cour, d’Antarès Bassis, France, 88 min, 15 janvier 2025.

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