États-Unis : « L’establishment démocrate refuse de choisir son camp », analyse le sociologue Jonathan Smucker

Lancaster (États-Unis), envoyé spécial.

On aurait pu le rencontrer à Berkeley, l’université contestatrice de la côte ouest où il enseigne, ou à New York, capitale de la gauche intellectuelle. C’est dans un café de Lancaster que Jonathan Smucker nous a fixé rendez-vous. Cette figure intellectuelle majeure de la gauche, sociologue, stratège, acteur d’Occupy Wall Street en 2011 et auteur d’un livre remarqué qui en tire les leçons « Hegemony How-To : A Roadmap for Radicals » (non traduit), a décidé de vivre dans cette ville de 100 000 habitants, dans le « pays profond ». Nous commençons cette rencontre par son choix de résidence, éminemment politique.

Pourquoi avez-vous choisi de revenir sur votre terre natale ?

Parce qu’il m’est apparu clairement qu’un État comme la Pennsylvanie est, d’une certaine manière, un microcosme de l’ensemble du pays. Vous avez Pittsburgh d’un côté, Philadelphie de l’autre, et entre les deux, cette mer de comtés républicains. Il y a soixante ans, le mouvement syndical et le Parti démocrate étaient majoritaires dans tout l’État. Ce n’est plus le cas, sous l’effet combiné de plusieurs facteurs : la désindustrialisation, la mondialisation, la délocalisation des usines, mais aussi le fait que le Parti démocrate, les syndicats et les organisations locales se désengagent en quelque sorte de ces régions.

En général, les gens comme moi, élevés dans un milieu conservateur, issus de la classe ouvrière, et qui, pour diverses raisons, se sont politisés, ont tendance à partir vers les grandes villes. Je me suis dit qu’il était peut-être temps de revenir et de voir ce qu’il était possible de faire. Il s’est avéré qu’avec un peu d’organisation et de savoir-faire, on peut apporter du changement dans ces endroits qui...