«Le nouveau premier ministre devra faire preuve de détermination et de courage pour relever le défi du grand âge»
Véronique Besse est députée de la Vendée (divers droite), ancienne vice-présidente du Conseil Général de la Vendée en charge des affaires sociales.
Que le prochain gouvernement soit purement technique, ou qu'il soit destiné « à sauter» en quelques jours, une chose est sûre : personne, ni à Matignon, ni au ministère de la Santé et des Affaires sociales, n'ouvrira le dossier que tout le monde feint d'ignorer depuis des années. Celui du grand âge.
Il faut dire que c'est facile : les vieux dépendants et leurs familles ne défilent pas dans la rue, ni ne se mettent en grève. La détresse des personnels soignants se noie dans la déliquescence du système de santé. Pourtant, dans tous les départements de France, le même constat s'impose : les établissements qui prennent en charge nos aînés sont au bord du gouffre, les faillites se multiplient, les personnels ont dépassé depuis longtemps toutes les limites de ce qui peut être supporté, les familles et en particulier l'aidant familial, une fille, un fils, sont désespérés, et nos aînés… meurent en silence, après bien souvent un long calvaire, inconcevable dans un pays développé comme le nôtre.
Le manque chronique de moyens, conjugué à une pénurie de main-d'œuvre qualifiée, humilie nos anciens qui ont pourtant construit la France dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Cette situation dramatique ne relève plus simplement de la gestion d'un secteur, (de plus), en difficulté. C'est désormais une crise nationale, qui interroge sur notre conception même de la solidarité, pourtant sur toutes les lèvres.
Ce ne sont pas des décisions techniques, comptables, mais des décisions qui impactent la fin de vie de nos aînés, et touchent à l'essence même de notre humanité.
Véronique Besse
Le prochain gouvernement ne va pas manquer de travail, vu la quantité d'urgences auquel le pays est confronté. Pourtant, refuser de classer le grand âge dans la liste des priorités serait une erreur. Nous faisons en réalité face à une responsabilité historique. Les promesses maintes fois répétées, jamais tenues par les gouvernements précédents, sont responsables d'une détérioration continue des conditions de vie, ou plutôt de survie désormais, de nos aînés. Il n'est plus possible d'ignorer, plus longtemps, la souffrance et la détresse derrière les murs de nos EHPAD.
Quant aux services à domicile, à la charge des départements, avec la croissance quasi exponentielle des dépenses, la situation est la même. Oui. Il est urgent que la question du grand âge, si longtemps reléguée en marge des agendas politiques quand elle n'en était pas tout simplement absente, devienne une priorité centrale et non négociable !
Pour ne rien arranger, l'inflation de ces dernières années a considérablement aggravé la situation. Les coûts des matières premières, de l'énergie et des charges de personnel ont explosé, fragilisant encore un peu plus les établissements déjà en difficulté. Les budgets sont devenus des casse-têtes insolubles, forçant certains à faire des choix impossibles : réduire le personnel, diminuer les portions des repas, ou sacrifier les activités qui apportent un peu de réconfort aux résidents. En réalité ce sont souvent les trois leviers qui sont actionnés, simultanément ou consécutivement. Pourtant, ce ne sont pas des décisions techniques, comptables, mais des décisions qui impactent la fin de vie de nos aînés, et touchent à l'essence même de notre humanité.
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Le prochain gouvernement devra donc se doter d'un plan d'action immédiat et ambitieux pour commencer à redresser la situation. Il est crucial de débloquer des financements à la hauteur des besoins réels, de valoriser les métiers du soin, et de réformer en profondeur un système devenu obsolète. Et pour trouver ces indispensables ressources financières, il va falloir innover, sachant que, ô, chance, ces dépenses sont non délocalisables. Un euro investi dans le grand âge est un euro qui reste en France, crée de l'emploi, soutient la consommation intérieure.
Une politique du grand âge ambitieuse n'est pas seulement un impératif moral, c'est aussi une nécessité économique et sociale pour garantir la cohésion de notre pays. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : la cohésion nationale, celle qui fait qu'une société tient debout, s'enracine dans la manière dont elle traite les plus fragiles.
La question du grand âge touche toutes les familles de France. Nous sommes tous concernés. Ce sujet ne doit pas être vu uniquement par le petit bout de la « lorgnette » comptable. Il doit être abordé avec empathie, reconnaissance et bienveillance.
Véronique Besse
Quant aux familles françaises, elles sont à bout. Elles n'acceptent plus que leurs parents, leurs grands-parents, vivent dans l'angoisse de l'abandon, dans des établissements où le soin, pourtant essentiel, est parfois réduit à sa plus simple expression. Cette souffrance silencieuse est une honte pour notre nation. Elle révèle un mal profond, celui de l'indifférence croissante à l'égard de ceux qui ne peuvent plus faire entendre leur voix.
Il ne s'agit plus de faire de belles promesses ou de dresser des bilans techniques. Le grand âge ne peut plus se contenter de réformettes ou d'ajustements marginaux. Ce qu'il faut, c'est un véritable sursaut national. Il est temps de replacer l'humain au cœur des politiques publiques.
Cela passe par des actes concrets, des financements adéquats, et une véritable reconnaissance de ceux qui, jour après jour, accompagnent nos aînés avec courage et dévouement. Le défi est immense, mais il est aussi une opportunité. L'opportunité de montrer que la France est une nation qui ne laisse personne de côté, une nation qui sait prendre soin de ses aînés avec le respect et la dignité qu'ils méritent.
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Le nouveau premier ministre devra faire preuve de détermination, de courage politique, et d'une vision claire pour relever ce défi. Il en va de l'avenir de notre société, de sa capacité à rester fidèle à ses valeurs de solidarité et de justice. Le temps n'est plus aux discours, mais aux actes. Le grand âge ne peut plus être le parent pauvre des choix politiques. La manière dont la France traitera cette question dans les mois et années à venir définira le visage de notre nation pour les prochaines années. Le moment est venu d'agir, et d'agir avec l'urgence et la détermination que cette situation exige.
La question du grand âge touche toutes les familles de France. Nous sommes tous concernés. Ce sujet ne doit pas être vu uniquement par le petit bout de la «lorgnette» comptable. Il doit être abordé avec empathie, reconnaissance et bienveillance. C'est le cœur qui doit parler ! Parce qu'une nation qui néglige ses aînés se condamne elle-même à l'oubli.