Marseille : 9 mois de prison avec sursis requis contre l’ex-assistant de vie qui avait agressé un jeune polyhandicapé

«Je voudrais présenter mes excuses à Rayan et sa famille. Je reconnais les faits», déclare solennellement Dominique G. devant une assemblée médusée. Cet ancien musicien de 49 ans, reconverti en assistant de vie, comparaissait mardi devant le tribunal correctionnel de Marseille pour avoir violenté son patient polyhandicapé.

Rayan, un Marseillais de 19 ans atteint d’une maladie orpheline entraînant de graves problèmes de santé - notamment une cécité et une dépendance - avait été frappé à plusieurs reprises par le prévenu. Ce dernier avait pourtant été désigné par une entreprise spécialisée pour s’occuper du jeune homme au domicile de sa mère. Alertée par le comportement étrange de l’auxiliaire de vie, celle-ci avait installé une caméra dans la chambre de son fils. Les images, particulièrement choquantes, ont révélé de nombreux actes de maltraitance entre le 28 mars et le 4 avril. Ces faits avaient conduit à la garde à vue de Dominique G.

À la barre, l’homme, déjà connu des services de police pour une conduite sous l’emprise de stupéfiants, a tenté de se justifier maladroitement. Il a évoqué une «décompensation psychotique» et des «difficultés personnelles» qui l’auraient poussé à réagir de manière impulsive, sans pour autant parvenir à expliquer clairement les raisons de ses actes. «Quand on m’a appelé pour m’occuper de Rayan, on m’a demandé de le surveiller et d’effectuer des déplacements entre le salon et son lit médicalisé. J’ai rencontré des difficultés, mais je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. À un moment, ça a commencé à m’agacer », a-t-il expliqué, en mentionnant qu’il suivait un traitement antidépresseur.

Les faits ont été enregistrés

Une inquiétante montée en pression qui aurait conduit à des violences incompréhensibles : plusieurs coups portés à la tête du jeune homme, totalement dépendant et pris en charge quotidiennement par ses proches et des professionnels de santé. «Quand j’ai vu les images, je n’arrivais pas à croire que c’était moi. Cela m’est déjà arrivé quand j’étais plus jeune. Très souvent, mes amis m’accusaient de dire et de faire des choses que je n’arrivais pas à reconnaître par la suite. Je ne cherche pas à me trouver des excuses. Je ne comprends pas comment j’ai pu en arriver là, surtout envers une personne comme Rayan. Je sais que c’est quelqu’un qui ne peut pas se défendre», poursuit Dominique G., qui n’a suivi qu’une formation de technicien de l’intervention sociale et familiale, après plusieurs années d’errance dépressive marquées par un grave accident de la route.

Ces explications maladroites n’ont pas calmé la colère des proches du jeune homme, présent le jour de l’audience malgré son handicap, venus assister en famille aux débats. «Quelques jours avant les faits, j’ai remarqué que Rayan avait des traces sur le visage. J’ai posé des questions (à Dominique G.) et il m’a répondu qu’il ne savait pas d’où cela venait», relate avec difficulté la mère de famille, qui avait fait installer une caméra reliée à son téléphone dans la chambre de son fils. «Le 4 avril, j’ai entendu un bruit horrible qui m’a affolé. Je me suis précipitée vers la chambre de Rayan pour demander à Dominique ce qu’était. Il m’a répondu qu’il “prenait soin de lui”», souffle-t-elle, ajoutant qu’elle a été «anéantie».

«Cette personne me hante, j’ai envie de quitter ma maison. Rayan, c’est mon oxygène et je suis son oxygène. Ce que je ressens, il le ressent aussi. Depuis ces faits, j’enregistre tout systématiquement», témoigne avec douleur celle qui a alerté les forces de l’ordre et attendu de longues heures dans un commissariat aux côtés de son fils pour déposer plainte. Déféré à l’issue de sa garde à vue, Dominique G. avait été placé sous contrôle judiciaire au terme d’une audience de comparution immédiate houleuse, durant laquelle il avait été pris à partie par des proches de la victime, furieux de le voir échapper à la détention provisoire. L’homme a depuis été licencié par son ancien employeur, qui a apporté son soutien aux proches du jeune homme handicapé.

Ce qu’il s’est passé, cela dépasse l’entendement. On ne peut pas imaginer que ce genre de situation puisse arriver dans une société normale

Me Yones Taguelmint, avocat des parties civiles

«Ce qu’il s’est passé, cela dépasse l’entendement. On ne peut imaginer qu’un tel événement puisse arriver dans une société normale. Et pourtant, cela s’est produit», a déclaré Me Yones Taguelmint, avocat des parties civiles et représentant de l’association APF France handicap. Le conseil a demandé le renvoi de l’affaire sur intérêts civils afin d’évaluer «le retentissement psychologique» subi par les proches de Rayan.

«Pourquoi Monsieur G. a-t-il agi ainsi ? Je n’ai toujours pas de réponse. Nous voyons un homme qui, calmement, d’une manière presque automatique, porte des coups à ce jeune homme handicapé, presque comme une sorte de passage obligé», a déploré le procureur. «J’ai presque eu l’impression que Monsieur G. s’en prenait à Rayan comme on frapperait un objet sans réfléchir lorsqu’on est agacé», a-t-il ajouté, en requérant une peine de 9 mois de prison avec sursis, assortie d’une interdiction définitive d’exercer toute activité d’aide aux personnes dépendantes.

«Mon client reconnaît les faits. Il n’est pas en train de se cacher derrière ça, il y a une forme d’amnésie. À l’évidence, cela ne peut être une violence consentie. C’est une décompensation psychotique», a plaidé son avocate, Me Claire Dumont, précisant que son client « n’a pas conscience de ses actes » et qu’une période probatoire serait nécessaire pour lui permettre de poursuivre un suivi thérapeutique. «Monsieur G. ne peut plus faire semblant d’ignorer ; il y a une prise de conscience», a complété le conseil. «Je renouvelle mes excuses à la famille de Rayan, je regrette ce que j’ai fait. Mais il y a des choses qui m’échappent», a conclu Dominique G., presque incrédule. Le délibéré sera rendu le 10 juillet prochain.