Aide aux producteurs de batteries, assouplissement des baisses d'émissions de CO2... Ce que contient le plan d'action européen pour l'industrie automobile
"Il est maintenant très clair que le moment est venu d'agir", avait lancé lundi Ursula Von der Leyen, président de la Commission européenne. Bruxelles a détaillé, mercredi 5 mars, un plan d'action pour l'avenir de l'industrie automobile. Sous les thèmes de l'"innovation", de la "transition vers une mobilité propre" et de la "compétitivité", elle a listé plusieurs changements issus d'un dialogue de plusieurs semaines avec les acteurs du secteur. Quotas minimums de véhicules électriques dans les flottes d'entreprises, soutien à l'innovation, assouplissement sur les émissions de gaz à effet de serre... L'exécutif européen s'est ainsi montré au chevet d'un secteur "en danger de mort" face aux concurrents chinois et à la menace de surtaxes américaines brandie par Donald Trump, a défendu Stéphane Séjourné, vice-président de l'instance.
Les différentes annonces ont suscité les applaudissements des constructeurs et les inquiétudes des associations. Dans un communiqué commun, Réseau action climat, la CFDT, l'ONG Transport & Environnement et la Fondation pour la nature et l'homme ont dénoncé "une position de défense des constructeurs automobiles historiques, Renault et Stellantis, et de leurs intérêts à court terme.
Les mesures doivent encore faire leur chemin dans les instances européennes, mais Ursula von der Leyen se dit "sûre qu'une telle modification ciblée pourrait être approuvée rapidement par le Parlement européen et le Conseil". Franceinfo vous résume le contenu de ce plan contesté.
Un assouplissement des objectifs de baisse des émissions
Si Ursula von der Leyen a vanté, lundi, "la transition vers une mobilité plus propre", et donc moins émettrice en CO2, elle a aussi accédé à une demande des constructeurs. La Commission va en effet proposer "ce mois-ci, une modification ciblée du règlement sur les normes en matière de CO2 pour les voitures et les camionnettes", détaille un communiqué. Ce mécanisme de flexibilité vise à éviter aux constructeurs automobiles, en retard sur les objectifs de réduction des émissions de CO2 de leurs véhicules, de payer des amendes en 2025. Il consistera à prendre en compte les émissions sur trois ans, de 2025 à 2027, au lieu d'une seule année. Toutefois, l'objectif de vendre uniquement des véhicules neufs à zéro émission de CO2 à partir de 2035 "est maintenu", assure Stéphane Séjourné.
Cet assouplissement représentait une revendication majeure des constructeurs. L'Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA) a d'ailleurs aussitôt salué "un premier pas dans la bonne direction", Volkswagen se félicitant de cette "approche pragmatique".
Les ONG dénoncent, elles, "un cadeau sans précédent à l'industrie automobile européenne", a regretté Transport & Environnement. Cette flexibilité risque par ailleurs de "retarder l'arrivée de modèles électriques abordables pour les consommateurs", selon le Conseil international du transport propre (ICCT), alors que les Renault Twingo et consorts sont attendues pour démocratiser cette technologie. Les émissions de CO2 supplémentaires liées à cette flexibilité pourraient atteindre 50 mégatonnes, selon l'ICCT, soit les émissions annuelles de 50 centrales électriques au charbon. Dans leur communiqué, les associations soulignent que "c'est pourtant une course contre-la-montre qui est en cours, face aux autres constructeurs internationaux et face au changement climatique".
Une alliance pour l'innovation automobile
L'Union européenne va ainsi autoriser et soutenir la mutualisation de ressources pour le développement de logiciels et de technologies de conduite autonome, des domaines où les économies d'échelle sont cruciales. De tels partenariats sont traditionnellement limités par les règles de concurrence. "Nous avons besoin d'une forte impulsion dans le domaine", a déclaré la présidente de la Commission, lundi.
"Ces actions seront soutenues par des investissements conjoints public-privé d'environ 1 milliard d'euros soutenus par le programme Horizon Europe au cours de la période 2025-2027", peut-on lire dans le communiqué de la Commission. Stéphane Séjourné a par ailleurs dit vouloir "harmoniser les règles d'utilisation et de tests de la voiture autonome en Europe", afin de faciliter leur déploiement sur les routes.
Des aides pour les batteries européennes
L'exécutif européen a également proposé un "soutien direct" aux producteurs de batteries. "Nous mettrons à disposition 1,8 milliard d'euros pour créer une chaîne d'approvisionnement sûre et compétitive pour les matières premières", détaille la Commission dans son communiqué.
"Je veux que les consommateurs européens puissent acheter des véhicules européens", a affirmé Stéphane Séjourné. Le plan, présenté à Bruxelles à la mi-journée par le commissaire aux Transports, Apostolos Tzitzikostas, prévoit donc des "exigences de contenus européens pour les cellules de batterie et certains composants des véhicules électriques vendus dans l'UE", afin d'aider les sous-traitants.
"On est en train de travailler à la liste" des composants concernés, explique Stéphane Séjourné qui évoque "un choc d'offres" en complément des efforts pour relancer la demande. "Tous les pays le font aujourd'hui, que ce soit les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, il n'y a que l'Europe qui n'a pas mis en place ces dispositifs", assure-t-il.
Un soutien pour la décarbonation des flottes d'entreprises
Un soutien aux ventes de véhicules électriques aux entreprises, qui représentent 60% des immatriculations neuves en Europe, a également été avancé. Les voitures électriques, encore trop chères, ont en effet vu leur part de marché reculer dans l'UE pour la première fois en 2024, à 13,6% sur l'année. Afin de "booster la demande", la Commission étudie "des obligations" imposées aux entreprises pour verdir leurs flottes, explique Stéphane Séjourné. Des quotas de véhicules électriques leur seraient imposés, dans un texte présenté d'ici à la fin de l'année. Ces achats seraient aussi facilités par des "incitations fiscales" harmonisées à l'échelle de l'UE qui seront proposées aux Etats membres.
Une accélération du déploiement des bornes de recharge
C'est un frein à l'achat dénoncé de longue date par la filière automobile. Les infrastructures de recharge des véhicules électriques restent insuffisantes en Europe et très inégalement réparties. La Commission veut "accélérer le déploiement des bornes de recharge" et va mobiliser 570 millions d'euros à cet effet entre 2025 et 2026, a encore complété Stéphane Séjourné.