Guerre en Ukraine : quatre questions sur les pourparlers entre Américains et Russes organisés en Arabie saoudite mardi

Un rapprochement inédit entre la Russie et les Etats-Unis. Des hauts responsables américains et russes, menés par les chefs de la diplomatie des deux pays, se rencontrent mardi 18 février à Ryad (Arabie saoudite). L'objectif : tenter de relancer une relation au plus bas depuis l'invasion russe de l'Ukraine et préparer un possible prochain sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Une première depuis le début de la guerre qui inquiète les Ukrainiens et les Européens.

1 Qui sera présent à Ryad ?

Pas de président, mais de nombreux hauts responsables des Etats-Unis et de la Russie. Côté américain, le secrétaire d'Etat Marco Rubio est arrivé lundi à Ryad, où il s'est entretenu avec le prince héritier Mohammed ben Salmane. Il est accompagné par le conseiller à la Sécurité nationale du président américain Mike Waltz et l'envoyé spécial pour le Moyen-Orient Steve Witkoff. Côté russe, le président Vladimir Poutine a dépêché deux négociateurs chevronnés : le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le conseiller diplomatique du Kremlin Iouri Ouchakov.

2 Pourquoi cette réunion est organisée en Arabie saoudite ?

Cette réunion inédite organisée à Ryad signe le retour de l'Arabie saoudite sur la scène diplomatique, d'autant que le pays devrait "très bientôt" transformer l'essai en accueillant une rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump. Il faut dire que l'Arabie saoudite revient de loin. Avant la guerre en Ukraine, le prince Mohammed ben Salmane avait été un temps mis au ban de la scène internationale après l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en Turquie en 2018, qui avait provoqué un tollé international.

"L'Arabie saoudite a su tirer parti des contradictions et de l'affrontement entre l'Occident et la Russie dans la crise ukrainienne, notamment sur le dossier pétrolier, sans perdre aucun de ses alliés."

Rabha Seif Allam, chercheuse au Centre d'études politiques et stratégiques d'al-Ahram au Caire

à l'AFP

Poids lourd du Moyen-Orient, l'Arabie saoudite, bien qu'alliée historique des Etats-Unis, a soigneusement évité de prendre parti dans la guerre en Ukraine. Premier exportateur de brut mondial, Ryad entretient également des relations étroites avec Moscou sur la politique pétrolière, tout en promettant des centaines de millions de dollars d'aide humanitaire à Kiev. Résultat : "Mohammed ben Salmane s'impose comme un acteur-clé et il va récolter les bénéfices politiques de cette activité diplomatique", souligne Omar Karim, professeur à l'université de Birmingham, interrogé par l'AFP.

3 Quels seront les sujets de discussions ?

Si les Russes et les Américains s'efforcent de minimiser les attentes, la rencontre marque bien un nouveau rebondissement spectaculaire dans les relations entre les deux pays. Il s'agit de la première réunion à ce niveau et dans un tel format depuis l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février 2022. Ce rendez-vous "sera principalement consacré au rétablissement de l'ensemble des relations russo-américaines", a déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Selon lui, "la préparation d'éventuelles négociations" sur la fin de la guerre en Ukraine et "l'organisation d'une rencontre" entre Vladimir Poutine et Donald Trump seront également évoquées.

Un programme dense et majeur d'un point de vue diplomatique, que l'administration américaine tente tout de même de relativiser. "Je ne pense pas qu'il faille y voir quelque chose qui sera détaillé ni comme une avancée vers une sorte de négociation", a nuancé la porte-parole du département d'Etat américain, Tammy Bruce. Cette dernière a insisté sur le fait que Washington souhaite voir avant toute chose "si [les Russes] sont sérieux" dans leur volonté de renouer le dialogue. Une précaution que Donald Trump ne semble pas avoir prise en annonçant, dès dimanche, qu'une rencontre avec Vladimir Poutine pourrait se dérouler "très bientôt". Pour l'instant, la date n'est pas encore connue.

4 Quelle est la réaction de l'Europe et de l'Ukraine ?

La rencontre russo-américaine intervient dans un contexte d'effervescence diplomatique : les Européens se sont réunis à Paris lundi pour se concerter sur leur stratégie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est attendu en Turquie mardi et l'envoyé spécial américain pour l'Ukraine Keith Kellogg se rendra en Pologne mardi puis à Kiev jeudi.

Côté ukrainien, Volodymyr Zelensky a répété que l'Ukraine "ne reconnaîtrait" aucun accord conclu sans elle et a regretté de ne pas avoir été informé en amont des pourparlers prévus à Ryad. Il est également attendu mercredi en Arabie saoudite pour une visite officielle "planifiée de longue date", au lendemain de la réunion entre Américains et Russes. Aucune rencontre n'est prévue avec des responsables de ces deux pays, selon son porte-parole.

Côté européen, le président français Emmanuel Macron a convié à la hâte lundi à Paris des dirigeants de pays voisins pour tenter d'afficher une posture commune sur la sécurité européenne. Il s'est également entretenu avec Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais au-delà de l'entente pour doper leurs efforts de défense, les Européens se sont écharpés publiquement sur un autre débat, celui de l'envoi de militaires en Ukraine pour assurer une éventuelle future trêve.