Notre critique du film Les Filles du Nil : seules en scène

Notre critique du film Les Filles du Nil : seules en scène

Les filles du Nil Dulac Distribution

CRITIQUE - Ce documentaire qui a obtenu l’Œil d’or au dernier Festival de Cannes montre le désir d’émancipation de jeunes femmes égyptiennes par le théâtre. Un témoignage saisissant.

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On peut être une jeune fille copte dans un village du sud de l’Égypte et vouloir faire du théâtre. Loin du Caire et d’Alexandrie, où se concentre l’activité culturelle. C’est ce que montre Les Filles du Nil, documentaire qui a obtenu l’Œil d’or au dernier Festival de Cannes. Partis à la rencontre de communautés marginalisées, les deux réalisateurs Nada Riyadh et Ayman El Amir ont croisé le chemin escarpé de six femmes en devenir qui croient à l’émancipation par la création artistique.

Leur théâtre n’est pas vraiment du théâtre, plutôt des performances. Dans le local sommaire qui leur a été prêté, elles bricolent une scène avec des matériaux récupérés. Mais la rue est leur scène, les passants leurs spectateurs. Bras nus, froufrous sur la tête, elles attirent la curiosité, mettent mal à l’aise et provoquent aussi parfois des insultes et des attaques. Elles chantent, esquissent des pas de danse, font du bruit - avec des grains de riz ! - pour exprimer leurs douleurs et leur révolte. Harcèlement, mariages arrangés et précoces, contrôle des corps… Ces maux dont souffrent les jeunes femmes d’aujourd’hui sont leur principal moteur.

Séquences éloquentes

Haidi, Majda, Monika, Marina, Myriam ont des rêves plein la tête et entendent les afficher. Peu importe ce que pensent leurs familles, les voisins, les amis. Les hommes sont peu présents, mais les réalisateurs ont su leur donner une place dans des séquences éloquentes. Un frère rechigne à donner la télécommande de la télé à sa sœur pour qu’elle choisisse son programme, un fiancé explique calmement à sa future femme qu’une fois mariée, elle devra rester à la maison et, à rebours des deux premiers, un père incite sa fille à sortir rejoindre les performeuses.

C’est grâce à une immersion totale auprès de ces familles pendant quatre ans que les cinéastes ont pu capter ces moments d’intimité. Les jeunes filles y ont largement contribué, voyant dans la caméra une autre façon de s’exprimer. En résulte un film tourné comme une fiction, où l’absence de voix off contribue à dérouler une histoire du seul point de vue des protagonistes. Confrontée à l’oppression patriarcale, cette jeunesse égyptienne offre un témoignage saisissant, montrant que la violence n’a pas besoin d’être physique. Elle passe efficacement par la manipulation et le contrôle. Toutes les jeunes femmes qui attendent « Le bus des rêves » n’atteindront pas leur idéal, destination très lointaine quand on vit dans le sud de l’Égypte. Le mariage étant le plus souvent fatal. Mais que la génération suivante reprenne le flambeau reste une petite réussite.

La note du Figaro : 2.5/4