Guerre en Ukraine : les bombardements prennent le pas sur les négociations
En cette quatrième année de guerre, le mois de juin est marqué par une intensité des combats. Le premier jour a été marqué par la spectaculaire attaque de drones menée par les services de sécurité ukrainiens : « Toile d’araignée ». Cette opération préparée durant plus d’un an a visé des bases aériennes russes jusque dans l’Arctique et en Sibérie. Ce succès et son ingéniosité suscitent la fierté nationale en Ukraine. « Forcément, nous sommes ravis d’une telle opération. Car la période est difficile. Entre des négociations qui ne servent à rien et l’envoi toujours plus important de nos jeunes et moins jeunes vers le front. Le quotidien n’est pas facile avec les attaques de drones qui ont repris sur la capitale », constate Tania qui vit dans la banlieue de Kiev.
De violents bombardements en riposte
Le bilan réel des pertes matérielles infligées à l’aviation stratégique russe demeure flou. Mais il s’agit d’un sérieux camouflet pour les services de renseignements russes. Quelques jours plus tard, des ponts ferroviaires ont été visés à Briansk et Koursk. Le 3 juin, l’armée ukrainienne a mené des opérations contre le pont de Kertch avec des drones sous-marins. « Malgré la belle réussite de l’opération Toile d’araignée contre des bases russes, l’Ukraine rencontre des difficultés accrues sur le terrain. Les négociations ne servent à rien », analyse le général Olivier Kempf dans sa note hebdomadaire sur le site de La Vigie.
La Russie n’est pas restée les bras croisés. Ces derniers jours, elle a multiplié les bombardements sur Kiev, Kherson et Kharkiv, la deuxième ville du pays. La riposte promise par Vladimir Poutine, qui a déclaré devoir répondre à « la récente attaque contre les aérodromes » lors d’un échange téléphonique mercredi avec Donald Trump, a donc débuté.
Dans la nuit de vendredi à samedi, les bombardements ont causé la mort de cinq personnes et fait plus de vingt blessés. L’attaque a surtout touché Kherson (sud) et Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine, qui a subi « l’attaque la plus puissante depuis le début de la guerre », selon son maire, Igor Terekhov.
Sur le terrain, l’armée russe, qui semble avoir lancé son offensive de printemps, progresse sur les secteurs de Soumy, Zaporijia, Kharkiv et de Pokrovsk. « L’objectif réside bien à casser l’armée ukrainienne, les gains territoriaux n’étant qu’une conséquence des opérations. L’offensive de printemps obtient déjà des résultats alors qu’on a l’impression que les Russes ont encore des capacités en réserve, là où les Ukrainiens semblent précisément ne plus en avoir. À l’orée de l’été, cette disparité est la plus inquiétante. », estime Olivier Kempf.
Selon une récente étude du Center for Strategic and International Studies situé à Washington, près d’un million de soldats russes auraient été tués ou blessés depuis l’invasion russe, en février 2022. Côté ukrainien, 400 000 soldats auraient également été tués ou blessés. Mais certains observateurs militaires notent une vraie évolution du ratio pertes entre 2022 qui serait pour la Russie de 3,2 pour 1. En 2025, il devrait tomber à 1,4 pour 1. Un changement qui inquiète si les chiffres sont confirmés. Pour l’ancien ambassadeur de France en Russie, Jean de Gliniasty : « Cela explique l’attitude russe. Les autorités attendent de voir ce qui va se produire sur le terrain jusqu’à l’automne avant de négocier sérieusement. Car Moscou estime pouvoir remplir un certain nombre de ses objectifs par la voie militaire. Pour les Ukrainiens signés aujourd’hui apparaîtrait comme une capitulation. D’où un échec relatif ».
L’opinion russe continue de soutenir « l’opération spéciale ». Mais dans la dernière enquête, sondage réalisé par le centre Levada, 63 % des sondés expriment la nécessité de négociations immédiates, alors que seuls 28 % sont pour la poursuite de l’opération spéciale. Mais il s’agit d’une volonté de paix sur les bases du Kremlin : à savoir une capitulation de Kiev.
Un échange de prisonniers reporté ?
Les pourparlers, qui ont repris en février avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, semblent avancer lentement. La reprise de discussions directes entre Kiev et Moscou à Istanbul a débouché sur des échanges de prisonniers. Ce week-end, Russes et Ukrainiens devaient procéder à une nouvelle libération bilatérale de soldats grièvement blessés ou malades, l’élargissement de ceux âgés de moins de 25 ans, ainsi que la remise de corps. Cet échange aurait été le plus important de la guerre après celui réalisé en mai qui avait concerné 1 000 personnes de chaque camp.
Mais le négociateur en chef russe Vladimir Medinski a accusé « la partie ukrainienne (d’avoir) reporté de manière inattendue la réception des corps » de soldats tués « et l’échange de prisonniers de guerre à une date indéterminée ». Côté ukrainien, le quartier général de coordination pour le traitement des prisonniers de guerre a démenti ces déclarations, accusant Moscou de « jeux déloyaux » et de « manipulation ».
Le mois de négociations a débuté. Si une nouvelle rencontre à Istanbul est prévue, deux sommets internationaux s’avèrent importants pour voir l’étendue du soutien des Occidentaux à l’Ukraine. Tout d’abord, les sept principales économies du G7 se réuniront au Canada du 15 au 17 juin. La question de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie sera évoquée. Puis le sommet annuel de l’Otan, qui se tiendra du 24 au 25 juin à La Haye (Pays-Bas), devrait une nouvelle fois débattre de l’intégration de l’Ukraine.