Le fondateur de Telegram, Pavel Durov, a reconnu devant les juges «la gravité des faits» reprochés à la messagerie
Le fondateur de Telegram Pavel Durov a indiqué en décembre aux juges d'instruction avoir «pris connaissance en garde à vue de la gravité de tous les faits» reprochés à sa plateforme, selon ses déclarations dont l'AFP a eu connaissance samedi de source proche du dossier. Il «n'a pas créé» Telegram en 2013 avec son frère «pour les criminels» mais leur présence, «une fraction minime», «a aussi augmenté», a concédé cet homme né à Saint-Pétersbourg qui possède plusieurs nationalités dont celle de la France.
Les juges ont détaillé une quinzaine de groupes dédiés à la pédocriminalité, aux stupéfiants, aux escroqueries, aux ventes d'armes, au recours à des sicaires, ayant parfois pignon sur rue sur la plateforme, qui ont valu au PDG de Telegram sa mise en examen fin août pour complicité d'activités criminelles.
«Avez-vous conscience que la simplicité d'utilisation de Telegram permet à quiconque d'accéder à des plateformes illicites, de manière beaucoup plus simple notamment que sur le darkweb ?», lui ont-ils demandé. Pavel Durov s'est dit «en désaccord». Telegram est «efficace» et supprime mensuellement «15 à 20 millions de comptes utilisateurs et un à deux millions de chaînes et de groupes», a-t-il répondu.
Améliorer «le processus de modération»
Le milliardaire a mis en cause le manque de remontées de la justice ou des associations, mais l'a néanmoins répété : il est, «à titre personnel, dégoûté» par ces infractions, «mauvaises pour la société et les affaires». Si l'entreprise basée à Dubaï a annoncé fin décembre son premier bénéfice net annuel, elle pâtit selon Pavel Durov de 2 milliards de dollars de dette.
«Nous nous engageons à améliorer nos processus de modération», a-t-il donc promis, en écho à des promesses publiques faites en septembre, saluées par Emmanuel Macron, ajoutant que ses «équipes ont fait beaucoup de progrès». Interrogé sur un groupe public appelé «Livraison shit beuh Paris», Pavel Durov a néanmoins suggéré que ses modérateurs, ne connaissaient pas le mot «shit», et que ses algorithmes n’étaient pas assez entraînés.
«Même si nos équipes essaient de modérer ce type de recherches (sur la drogue, NDLR) depuis plusieurs années, ces recherches se concentrent essentiellement sur des marchés et dans des langues où Telegram est le plus populaire. La France ne faisait pas partie de cette liste. Dès que nous en avons eu connaissance, nous nous sommes beaucoup améliorés», a-t-il précisé. Avant d’assurer que les modérateurs embauchés étaient comme lui, «des personnes respectueuses de loi et qui n’avaient pas de connaissance sur le milieu de la drogue».
Telegram coopère avec les autorités
En France, Telegram affirme avoir répondu à 4 demandes judiciaires au premier trimestre 2024, contre 673 pour le dernier. Sur les six premiers mois de 2024, à l'échelle mondiale, Telegram a délivré «des informations d'identification (...) concernant plus de 10.000 utilisateurs», a assuré Pavel Durov. «Ce n'est pas beaucoup au regard» de vos 950 millions d'utilisateurs revendiqués, a répondu un magistrat instructeur. Sollicité, Me David-Olivier Kaminski, avocat de Pavel Durov, n'a pas répondu.
Telegram a répondu à l'AFP que la messagerie «coopère avec les autorités judiciaires dans le monde depuis 2018, fournissant des informations sur les criminels lorsqu'il est sollicité par des requêtes valides et par l'intermédiaire des bons canaux de communication».