"Trump a pris le risque de sa vie" : les frappes américaines en Iran marquent un "tournant" aux conséquences inconnues, analyse la presse mondiale

"Une nuit d'été de juin 2025 pourrait rester dans les mémoires comme le moment où le Moyen-Orient a changé pour toujours, où la peur de l'anéantissement nucléaire a disparu d'Israël, où le pouvoir de l'Iran a été réduit à néant et où celui de l'Amérique a grimpé en flèche." A l'instar d'autres de ses consœurs et confrères, , journaliste de la chaîne américaine CNN, a estimé dimanche 22 juin que les frappes des Etats-Unis contre trois sites nucléaires Iraniens, samedi, avaient peut-être marqué l'histoire de la région. 

 

La mission, baptisée "Marteau de minuit", entendait anéantir la capacité nucléaire de l'Iran sans engager une guerre contre son régime, selon la Maison Blanche. Pour David E. Sanger du New York Times, cette "décision d'attaquer l'infrastructure nucléaire d'une nation hostile représente le pari le plus important – et potentiellement le plus dangereux – du second mandat" de Donald Trump. De son côté, l'éditorialiste David Ignatius met en garde, dans le Washington Post, contre "une escalade" des tensions. "Trump a entraîné l'Amérique sur la pente la plus glissante du monde. Trois présidents précédents ont envisagé de frapper des cibles nucléaires iraniennes, mais aucun ne l'a fait", rappelle le journaliste.

"Cela devait être fait", estime "The Times of Israel"

W.J. Hennigan, éditorialiste spécialiste des questions de sécurité nationale, dans le New York Times, note pour sa part que cette décision d'"acte de guerre minutieusement planifié et détaillé (...) n'a pas été autorisé par le Congrès". Il relève aussi le risque pour "les 40 000 soldats américains" présents sur des bases dans la région, devenus désormais des cibles potentielles. 

Dans la presse israélienne, Haaretz souligne que "Trump a pris le risque de sa vie" avec les frappes, saluant la "mesure la plus importante" prise par le président américain depuis son retour à la Maison Blanche. Pour Amir Tibon, analyste du journal, l'"Iran blessé ne choisira pas une nouvelle escalade". "Cela devait être fait", titre dans un éditorial du journaliste et essayiste Yossi Klein Halevi, The Times of Israel, dimanche"Le Premier ministre Nétanyahou mérite notre gratitude pour sa campagne courageuse menée pendant des décennies contre un Iran nucléaire", affirme-t-il. The Jerusalem Post assure de son côté lundi que "les Israéliens sont aujourd'hui plus en sécurité qu'ils ne l'ont jamais été depuis une génération".  

Du côté iranien, la presse officielle ou proche du pouvoir condamne sans réserve l'opération. Le Tehran Times écrit, dimanche, que "l'Iran est depuis longtemps dans la ligne de mire des Etats-Unis, et de nombreuses personnalités américaines salivent à l'idée de réduire le pays en miettes par des bombardements."  "L'Iran ne connaît plus de ligne rouge", après les frappes américaines, a réagi de son côté un présentateur d'Irib, la télévision d'Etat, comme le montre la vidéo postée par Le Monde

Au Liban, Tatiana Krotoff, du journal francophone L'Orient-Le Jour, estime que le régime des mollahs est "dos au mur". Le pouvoir iranien n'a plus que deux options, selon la journaliste : celles de "s'engager sans réserve dans une escalade militaire qui pourrait avoir des conséquences désastreuses ou accepter la signature d'un accord qui marquerait une capitulation"

Pour la presse française, "la diplomatie s'enlise" lundi

Du côté de la presse française, Le Monde retient dans un éditorial que "pour parvenir à un arrêt total et durable" du programme nucléaire iranien "le président américain vient de se priver d'un outil, la diplomatie, qui avait fait la preuve de son efficacité avec l'accord international obtenu en 2015." "Qui peut croire aujourd’hui le régime iranien disposé à s’engager dans des tractations avec les Etats-Unis ?", interroge dans ce texte, le quotidien. 

Les unes du "Monde", de "Libération" et du "Figaro", le 23 juin 2025, deux jours après les frappes américaines sur des sites nucléaires en Iran. (Franceinfo)
Les unes du "Monde", de "Libération" et du "Figaro", le 23 juin 2025, deux jours après les frappes américaines sur des sites nucléaires en Iran. (Franceinfo)

Lundi, Libération a évoqué en titre une "déflagration", soulignant "le basculement" du conflit entre l'Iran et Israël et les "bouleversements géopolitiques de toute la région" engendrés. "Voici donc se dessiner sous nos yeux ébahis le nouveau Moyen-Orient", écrivent Dov Alfon, directeur du quotidien de gauche, et Hamdam Mostafavi, directrice adjointe de la rédaction, qui évoquent "de nouveaux vainqueurs et de nouveaux vaincus" dans la région. 

Le Figaro s'interroge sur les futures stratégies de la Maison Blanche au Moyen-Orient. Le directeur adjoint de la rédaction du quotidien conservateur, Philippe Gélie, soutient qu'"on ne peut clore un chapitre – celui du programme nucléaire iranien, supposément 'anéanti' – sans en ouvrir un autre", avant de conclure : "Après son coup d'éclat, Trump doit encore travailler à la victoire."

Un "choix entre un moindre mal et un plus grand mal"

L'avenir inquiète aussi le quotidien britannique de gauche The Guardian. Pour l'éditorialiste Simon Tisdall, spécialiste des Etats-Unis, cette frappe constitue un précédent lourd de conséquences. "Le pari irréfléchi et imprudent de Trump ne fera qu'attiser et exacerber les tensions", assure-t-il, estimant que "Trump, président isolationniste qui promettait d'éviter les guerres étrangères, a marché tout droit dans le piège tendu par Benyamin Nétanyahou". 

Même son de cloche en Allemagne, alors que Bernhard Zand, dans l'hebdomadaire Der Spiegel, alerte sur les capacités de Donald Trump à mener une guerre avec l'Iran. "Lorsqu'il s'agit de guerre et de paix, les hommes politiques sont rarement confrontés au choix entre le bien et le mal. Ils sont bien plus souvent confrontés au choix entre un moindre mal et un plus grand mal. Ce qui distingue les hommes politiques compétents des incompétents, c'est l'art de distinguer l'un de l'autre. On peut douter que Donald Trump maîtrise cet art, surtout lorsqu'il s'agit de l'Iran", analyse-t-il.