Réfléchir à la bonne gestion de l’eau au 21ème siècle !

Gérard Le Puill

Des inondations dévastatrices frappent les régions Bretagne, Normandie et Pays de la Loire. Paris et l’Ile-de-France y échappent grâce à une demi-douzaine de barrages construits depuis la seconde guerre mondiale sur la Seine et ses affluents. Des associations militant pour une « Loire vivante » firent échouer tout projet similaire sur ce fleuve. Les conséquences pour prochaines années seront intéressantes à observer dans les deux cas.

En Europe comme dans le monde, l’année 2024 a été marquée par une multiplication de catastrophes climatiques imputables à la croissance continuelle des émissions de gaz à effet de serre depuis deux siècles. Aux longues sécheresses favorables à la propagation des incendies ont souvent succédé des tempêtes et de fortes pluies, provoquant des inondations destructrices dans de nombreux pays, y compris dans plusieurs de régions de France. Traversés par la Seine, Paris et les autres départements franciliens ont échappé une fois de plus à ces catastrophes pour des raisons qui méritent d’être rappelées.

À Paris, la crue de janvier 1910 causa de gros dégâts dans 20.000 immeubles et chez environ 200.000 habitants. De nombreuses stations de métro furent inondées dans la capitale et beaucoup d’usines proche de la Seine subirent le même sort et durent interrompre leur production, à Paris comme en banlieue. Il se passa ensuite 45 jours avant que la Seine ne retrouve son niveau normal. Mieux vaut donc rappeler 115 ans plus tard pourquoi la région Ile-de-France et ses 12 millions d’habitants s’en sortent mieux que d’autres zones d’habitation depuis plusieurs décennies. Sur le cours de l’Yonne, un important affluent de la Seine, le lac de Pannecière fut créé en 1949 dans le département de la Nièvre pour limiter son débit en cas de fortes pluies.


Trente ans plus tard  fut créée une « Institution interdépartementale » des barrages de la Seine et de ses affluents. En Champagne humide, sur le cours de la Seine, le lac d’Orient fut mis en service en 1966. En 1974, le lac du Der Chantecop entrait en fonction pour réguler le cours de la Marne, affluent de la Seine. À partir de 1990, les lacs Amance et du Temple jouaient un rôle identique sur la rivière Aube, un autre affluent de la Seine. Sans le rôle primordial de ces barrages de retenue, Paris et de nombreuses communes très peuplées de la région Ile-de-France seraient victimes d’inondations fréquentes.


Un nouveau réservoir en amont de Montereau-Fault-Yonne


Afin de sécuriser davantage la population francilienne contre les risques d’inondation, un nouveau réservoir de 360 hectares entouré de digues vient d’être créé en amont de Montereau-Fault-Yonne. Il pourra, en cas de besoin, stocker 10 millions de mètres cubes d’eau de la Seine en cas de forte pluies dans les zones qui séparent le lac de Pannecière de l’Ile-de-France. Il ne faut pas oublier que près d’un million de Franciliens vivent en zone inondable dont 85% le long de la Seine qui serpente entre plusieurs dizaines de grandes communes. Dans la mesure où la région a bien géré le débit de la Seine depuis plusieurs décennies, on a, la spéculation aidant, construit quelques 100.000 logements ces vingt dernières années dans des zones qui restent inondables en cas de très fortes pluies.


Les grands aménagements visant à réguler le débit de la Seine ont été nombreux depuis trois quarts de siècle sans provoquer de protestations chez les franciliens tandis que les partisans d’une « Loire vivante » manifestaient contre tout projet de barrage. En 1986, Jean Royer, à l’époque maire de Tours et président de l’Etablissement public d’aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA), signait avec l’Etat et l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, un protocole pour l’aménagement de la Loire. Il y avait unanimité chez les élus locaux des partis de droite comme de gauche pour construire quatre barrages structurants sur la Loire et sur ses principaux affluents que sont le Cher et l‘Allier. Il s’agissait de limiter les risques de crues et de permettre aux départements concernés de disposer de réserves d’eau en cas de sécheresse. En raison des fortes protestations des associations impliquées dans la défense de la « Loire vivante » aucune de ces barrages hormis celui de Naussac sur le Haut Allier en Lozère ne fut finalement construit.


Quand la « Loire vivante » deviendra « souffrante »

L’un des animateurs de « Loire vivante » était Charles Philip Arthur George, devenu récemment roi d’Angleterre. À l’époque, le fils de la Reine Elisabeth était animateur de WWF International. En raison du réchauffement climatique, le niveau des océans montait déjà lentement mais sûrement. Pour preuve, en 2015, le Groupement d’Intérêt Public (GIP) Loire estuaire faisait ce constat : « Il y a un siècle, l’influence de la marée se faisait sentir quelques kilomètres en amont de Nantes; depuis une vingtaine d’années, elle se stabilise au-delà d’Ancenis ; soit une remontée de plus de 30 kilomètres au cours du 20ème siècle. Des berges « estuariennes soumises à la marée se sont substituée au linéaire fluvial entre Ancenis et Nantes ».

Cette montée des océans va continuer et s’accélérer. Pomper l’eau du fleuve en Loire Atlantique pour les sites de traitement de l’eau potable devient problématique désormais, en raison de la montée des eaux salées vers l’amont quand les marées sont hautes. Tout indique qu’en matière de gestion de l’eau le bon choix fut celui fait sur le cours de la Seine et de ses affluents. Inversement la « Loire vivante » pourrait bientôt devenir une « Loire souffrante ».