« Psychologiquement, c’est compliqué à vivre » : en Ille-et-Vilaine, le désarroi des habitants, qui redoutent de nouvelles crues
Rennes (Ille-et-Vilaine), correspondance particulière.
Des rues inondées, des commerces fermés et quelques passants qui n’ont d’autre choix que de rebrousser chemin. Depuis ce week-end, le quartier des Prairies Saint-Martin, au nord de Rennes, est en partie inaccessible. La faute à une crue d’une rare intensité qui a touché une grande partie du département de l’Ille-et-Vilaine à la suite du passage de la dépression Herminia.
Selon la maire de Rennes, Nathalie Appéré, « une centaine de maisons sont sinistrées » et « quelques dizaines d’immeubles collectifs », soit « 15 000 personnes impactées », parfois indirectement, lorsqu’il s’agit de caves ou de sous-sols inondés.
« Les services dédiés font ce qu’ils peuvent »
Si certains habitants ont décidé de rester chez eux, d’autres ont été contraints d’évacuer par précaution. Pour ceux n’ayant pas la possibilité d’être hébergés chez des proches, des centres d’urgence, gérés par des bénévoles de la Croix-Rouge, ont été installés dans plusieurs gymnases de la capitale bretonne.
Si les perturbations survenues ces derniers jours sont nombreuses (trafic ferroviaire, coupures d’électricité, routes fermées…), comme pour les dégâts matériels, aucune victime n’est pour l’instant à déplorer. « Certains râlent par rapport à la gestion de la crise mais les services dédiés font ce qu’ils peuvent, estime Olivier, qui a été relativement épargné par les intempéries. Depuis le pont de sa péniche l’Atlantique, il attend patiemment que le niveau de la Vilaine baisse pour pouvoir se déplacer. « Mais cela montre un manque de prise de conscience écologique. Vis-à-vis de la crise climatique, il faut se dire que nous avons une responsabilité collective. »
Pour Pierre Brigode, hydrologue et enseignant à l’ENS Rennes, l’épisode n’est pas vraiment une surprise. La faute d’abord à des pluies plus importantes que d’habitude survenues ces dernières semaines. D’après Météo France, à Rennes, « il n’avait jamais autant plu en janvier sur cette station ouverte en 1944. Depuis le début du mois, il a plu trois fois plus que la moyenne sur cette période ». Si, selon Pierre Brigode, il est difficile d’établir un lien de cause à effet, « la crise climatique perturbe ce type d’événement extrême et augmente la probabilité de faire face à ce type de crue dans le futur. De 5 %, de 10 % ou de 20 % ? C’est difficile à dire. Les travaux de modélisation prennent du temps et sont incertains ».
À Guipry-Messac, les pompiers évacuent les habitants en bateau
Reste que les conséquences de cet épisode pluvieux ne sont pas les mêmes sur tout le territoire. Alors que le centre-ville de Rennes reste globalement intact, d’autres zones sont particulièrement touchées. C’est le cas de la commune de Guipry-Messac, située à une cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale bretonne. Le niveau du fleuve qui la traverse, la Vilaine, y a dépassé celui de la crue historique de 2001, obligeant les pompiers à intervenir en bateau pour évacuer de nombreux habitants.
Contactée par téléphone, Céline témoigne de la rapidité à laquelle l’eau est montée : « C’était effrayant. Avec mon conjoint, on a dû quitter notre maison lundi après-midi avant d’être relogés. Psychologiquement, c’est compliqué à vivre ». Situé en zone inondable mais surélevé, leur logement a été épargné – pour le moment. Leur assurance devrait leur permettre de faire face. Ce qui n’est pas le cas d’autres habitants de la commune. « Ailleurs, l’eau a atteint jusqu’à 1,50 m. On connaît une personne de 90 ans, qui a dû être évacuée en urgence mais n’a pas eu le temps de s’organiser pour tout sécuriser chez elle. Nous ne sommes pas les plus à plaindre. »
Le pic de la crue n’ayant pas été encore atteint et les sols n’ayant pas eu le temps d’évacuer l’eau accumulée, les autorités restent en alerte et recommandent de prendre toutes les précautions nécessaires : poser des parpaings ou des sacs de sable, éviter les parkings souterrains, les sous-sols et les caves, faire attention aux chutes d’arbres…
600 familles évacuées dans le département
Au total, environ 600 familles ont été évacuées dans le département, selon la préfecture d’Ille-et-Vilaine. Alors que la pluie recommençait à tomber mardi en fin d’après-midi, la maire de Rennes, Nathalie Appéré, a déclaré avoir demandé à l’État une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Interrogé par l’AFP, le président du département d’Ille-et-Vilaine, Jean-Luc Chenut, a indiqué que « 32 communes avaient déclenché leurs plans communaux de secours, chiffre qui va en augmentant très régulièrement ».
« Des pluies vont être importantes entre 25 et 30 mm (mercredi), sur un territoire qui est totalement gorgé d’eau. Il y a des milliers et des milliers d’hectares de prairies inondées. Tous les ruisseaux débordent, tous les plans d’eau sont au maximum », a-t-il dit, qualifiant la situation de « crise de grande ampleur par l’étendue du territoire concerné ». La faute à l’urbanisation ? Pierre Brigode, qui a longtemps étudié ce genre de phénomène sur la Côte d’Azur, pointe plutôt « l’occupation du sol, notamment l’emprise agricole, le drainage des sols et la disparition du bocage ».
Selon le dernier bulletin Vigicrues diffusé par les services de la Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), le niveau de vigilance est toujours à son maximum et s’est depuis étendu au Morbihan et la Loire-Atlantique tandis que le Calvados, l’Orne, la Mayenne et le Maine-et-Loire ont été maintenus en vigilance orange aux crues.
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