Pour lutter contre le narcotrafic, un rapport parlementaire préconise la légalisation du cannabis
Légaliser le cannabis, dépénaliser la détention de quantités relativement faibles de stupéfiants, améliorer la gestion des ports... Deux députés insoumis (LFI) et macroniste ont dévoilé lundi 17 février leurs propositions contre les trafics de stupéfiants, à quelques semaines de l'arrivée à l'Assemblée nationale d'un texte contre le narcotrafic.
"Le courage politique commande de traiter enfin le sujet de la consommation, sans complaisance ni démagogie", écrivent les députés Antoine Léaument (LFI) et Ludovic Mendes (apparenté Ensemble pour la République), dans un rapport consulté par l'AFP. Et les deux élus sont parvenus à formuler 63 propositions, dont 46 communes.
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Leur préconisation la plus commentée est la "légalisation de l'usage et la détention du cannabis à des fins personnelles selon un modèle étroitement régulé par l'État". "Il ne s'agit pas de contester la nocivité de cette substance, mais d'offrir une réponse pragmatique", arguent-ils.
"La légalisation permettrait d'assécher une partie du marché illégal pour la transférer vers un marché légal accompagné en termes de santé publique, (et) en termes de lutte contre les addictions", a défendu Ludovic Mendes lundi sur RMC. "C'est la dimension de santé publique qui est la plus intéressante", insiste Antoine Léaument auprès de l'AFP, qui appelle à une "véritable réforme globale".
Ils proposent ainsi la création d'une "autorité de régulation du cannabis" chargée de "délivrer les licences professionnelles aux producteurs et aux détaillants", contrôler les normes restreignant la vente, ou encore "planifier la production et fixer les prix".
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Ils divergent en revanche sur certaines modalités, Antoine Léaument préférant un prix fixé par l'État et une interdiction de vente aux mineurs, quand Ludovic Mendes privilégie une fixation par le marché et une interdiction aux moins de 21 ans.
Des propositions controversées
L'entourage du chef du groupe et du parti macroniste Renaissance, Gabriel Attal, contacté par l'AFP, a clairement pris ses distances vis-à-vis de ce rapport, soulignant qu'il n'a jamais été envisagé "une légalisation du cannabis pour lutter contre le narcotrafic". Il a en outre rappelé l'attachement de l'ancien Premier ministre à l'examen rapide d'un texte contre le narcotrafic déjà adopté au Sénat.
Gérald Darmanin a lui aussi tiré à boulets rouges sur la proposition lors d'un déplacement dans l'Orne. "C'est une faiblesse de l'esprit, pour ne pas dire une trahison de l'esprit, que de proposer la dépénalisation", a critiqué le garde des Sceaux, lui-aussi membre de Renaissance.
Une autre mesure devrait être très commentée : les députés proposent de "dépénaliser l'usage simple de stupéfiants" (cocaïne, ecstasy/MDMA, champignons hallucinogènes, etc...), pour "concentrer l'action répressive sur les trafiquants".
Concrètement un consommateur qui serait contrôlé avec une dose relativement peu importante se la verrait confisquée mais ne recevrait pas de peine, et serait redirigé vers une structure de soins ou d'accompagnement.
Là encore les députés divergent sur la barre : Antoine Léaument veut que les consommateurs ne bénéficient de cette mesure qu'en-dessous de trois grammes détenus, pour passer ensuite par la judiciarisation, mais veut aussi supprimer les amendes forfaitaires délictuelles pour l'usage de produits stupéfiants.
Ludovic Mendes propose, lui, de continuer à appliquer ces amendes forfaitaires entre 3 et 6 grammes détenus, puis d'engager des poursuites au-delà de 6 grammes.
Rétablir la police de proximité, améliorer la gestion des ports
Et au-delà de la simple question de la consommation, les députés consacrent une large partie de leur rapport à la situation des ports, point d'entrée massive de produits stupéfiants, en proposant de généraliser le recours aux scanners, et en créant une plateforme de signalement centralisée pour permettre de signaler plus facilement des soupçons de corruption dans un port.
Ludovic Mendes propose aussi de créer une circonstance aggravante de bande organisée pour les infractions de corruption d'agents privés, et Antoine Léaument de réintégrer dans la sphère publique certaines fonctions stratégiques dans les ports confiés au privé.
Autre mesure prônée par les deux députés : le rétablissement de la police de proximité, "pour retisser un lien de confiance entre la police et la population".
Les deux élus auront l'occasion de défendre certaines propositions par amendement lors de l'examen à venir d'un texte contre le narcotrafic déjà adopté au Sénat, qui doit consacrer la création d'un parquet national anticriminalité organisée, et compléter l'arsenal répressif.
Antoine Léaument prévoit également le dépôt d'un texte portant la mesure de dépénalisation de la détention de produits stupéfiants.
Avec AFP