Colère sociale : Sébastien Lecornu sous la pression de la rue

Il paraît que le nouveau Premier ministre a, comme on dit, du « métier ». Rien d’illogique puisque, depuis ses 19 ans, il ne vit que de la politique. De mandats électifs en postes ministériels, Sébastien Lecornu a gravi tous les échelons avant d’être nommé à la tête du gouvernement. Un CV exemplaire !

Raison pour laquelle Emmanuel Macron, après avoir choisi Michel Barnier sans grande conviction et François Bayrou sous la contrainte, s’est porté sur ce proche, qui, à ses yeux, possède trois qualités : la fidélité, l’absence d’ambition présidentielle et du « métier », donc.

En cette rentrée sociale explosive – le 18 septembre pourrait rassembler a minima 400 000 personnes, selon le renseignement territorial –, le président de la République mise tout sur son « savoir-faire » pour tenter de désamorcer la colère ou au moins en limiter l’impact.

En bon petit soldat, l’ancien ministre des Armées s’applique à sa mission avec méthode, utilisant toutes les armes à sa disposition. Mais la machine macroniste peut-elle seulement à nouveau produire un écran de fumée alors que toutes les recettes semblent déjà avoir été employées jusqu’à la nausée ?

Lors de la passation de pouvoir avec François Bayrou, Sébastien Lecornu a défendu l’obligation de « changer », d’« être plus créatifs et sérieux dans la manière de travailler avec les oppositions » et promis « des ruptures pas que dans la méthode », mais « aussi sur le fond ». Sauf que, depuis 2017, les Premiers ministres ont les uns après les autres fait des promesses de gestes et de dialogue sans jamais les respecter, et sans jamais changer de politique.

Une rupture dans la continuité

La brutalité des annonces budgétaires de François Bayrou, le 15 juillet dernier, avec ses 44 milliards d’euros d’économies sur le dos des Français, a de plus mis le feu à la poudrière sociale. Certes, Sébastien Lecornu prétend vouloir mettre de la distance entre lui et son prédécesseur, dont la posture de père la rigueur et l’absence de volonté de négocier avec l’opposition avaient été critiquées jusque dans les rangs du « socle commun ».

Mais que propose-t-il réellement en signe d’apaisement à l’adresse des syndicats, des formations de gauche et de l’opinion publique ? Rien, ou si peu que c’est presque pire.

Lors d’un déplacement à Mâcon (Saône-et-Loire), le 12 septembre, et via un entretien accordé le lendemain à la presse quotidienne régionale, il a annoncé revenir sur la suppression de deux jours fériés, avant de s’attaquer aux « privilèges encore accordés à vie » à certains anciens ministres – une mesure purement symbolique – en plus de plancher sur un projet de loi qui sera « un grand acte de décentralisation ».

Peut-il seulement croire que les Français qui veulent la fin des politiques macronistes s’en satisferont ? Sur la possibilité de mettre en œuvre la fameuse taxe Zucman, le Premier ministre a très timidement entrebâillé la porte, reconnaissant qu’« il y a des questions de justice sociale, de répartition de l’effort et (qu)il faut y travailler sans idéologie ». « J’y suis prêt », déclare-t-il, tout en prévenant : « Attention néanmoins au patrimoine professionnel, car c’est ce qui permet de créer des emplois et de la croissance en France. »

Si le Premier ministre lève à peine un sourcil sur le sujet de la taxation des plus riches, plusieurs figures de la Macronie paniquent déjà face à la pression sociale. Le député et ancien président du groupe Renaissance à l’Assemblée, Sylvain Maillard, a même assuré que si, selon lui, « c’est une connerie », « il faut y aller » au sujet de la taxe Zucman. Une façon de dire qu’il est temps de vraiment lâcher du lest pour ne pas sauter.

Mais Sébastien Lecornu a préféré annoncer la création, d’ici à 2027, d’un réseau national de 5 000 maisons « France Santé » à travers la France pour lutter contre les déserts médicaux. Un beau geste ? Plutôt une gifle envoyée à tous ceux qui réclament le retour des hôpitaux, cliniques et maternités de plein exercice partout sur le territoire.

Des syndicats pas dupes

Enfin, dernier étage de la fusée, le chef du gouvernement a lancé un cycle de consultations, d’abord des partis du « socle commun », afin d’en tester la solidité, puis des syndicats, du patronat et enfin de l’opposition. Tout en restant dans le flou. Mais les syndicats ne se sont pas laissé amadouer.

« À part les deux jours fériés, il n’a renoncé à rien dans le musée des horreurs qu’Emmanuel Macron avait prévu dans son projet de budget », a expliqué Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT à la sortie de son entretien avec le Premier ministre, lundi 15 septembre.

Pis, selon elle, face à sa demande d’abrogation de « la réforme des retraites qui pénalise des centaines de milliers de personnes chaque année », Sébastien Lecornu lui « a fait plutôt une réponse assez inquiétante, ce qui confirme qu’il y a une nécessité absolue d’amplifier la mobilisation du 18 septembre », a-t-elle estimé. Même son de mégaphone du côté de Marylise Léon, la dirigeante de la CFDT pour qui « la suspension de la réforme des retraites est impérative ».

Du côté des partis politiques d’opposition, le charme de Lecornu n’a pas plus opéré. « Nous ne pourrons accepter une continuité avec le macronisme, le PS appelle les Français à rejoindre les cortèges syndicaux pour mettre en avant les revendications sociales et écologistes », a indiqué mardi 16 septembre Romain Eskenazi, député et porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée, à la veille de la rencontre entre le PS et Lecornu. Et de promettre qu’il n’y aura « aucun socialiste dans un gouvernement macroniste », avertissant que, pour durer, le prochain exécutif « a besoin d’une rupture de ligne ».

Du côté des communistes, le député Julien Brugerolles résume : « On est plus sur de la tactique politicienne d’attente pour prolonger les mêmes politiques que sur une volonté d’amorcer un quelconque virage. Le président se resserre sur son pré carré de fidèles, mais Lecornu est là pour poursuivre les mêmes choix politiques que ceux menés depuis huit ans. »

Un sentiment également partagé par Éric Coquerel, le président LFI de la commission des Finances de l’Assemblée, qui est « persuadé qu’Emmanuel Macron ne veut pas changer sa politique économique ». Comme l’écrivait le cardinal de Retz, « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ». Sébastien Lecornu risque de s’en rendre compte ce 18 septembre.

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