REPORTAGE. "Personne ne veut vivre dans le pays le plus corrompu d’Europe" : des milliers d'Ukrainiens manifestent contre une loi qui affaiblit la lutte anticorruption
Deux institutions anti-corruption de premier plan sont dans le viseur du Parlement ukrainien. Une loi très décriée a été votée mardi 22 juillet, sans débat public, pour accroître le pouvoir de l’exécutif sur ces organismes et encourager les interférences sur les enquêtes menées. De quoi pousser dans la rue quelques milliers d’Ukrainiens, mercredi, déjà éprouvés par trois ans d’invasion russe.
Le mot veto s’entend sur toutes les lèvres et se lit sur toutes les pancartes. Au Parlement ukrainien, de vieilles élites corrompues ont fait plier l’exécutif, qui concentrera désormais l’essentiel des compétences en matière de lutte anticorruption. "Nous resterons debout, et nous allons exiger de nouvelles mesures. Vous n’imaginez pas à quel point les gens sont fatigués", témoigne Irina.
"Impossible" de changer les choses au Parlement
Anton, lui, espère que la mobilisation populaire aura des effets sur les politiques. "La société que vous voyez là ne se laissera pas faire. Il est évident que le pouvoir est en train de nous tester, et de vous tester. Maintenant, les autorités attendent simplement de voir quelle sera la réaction des gens."
Jusqu’à tard dans la nuit, près de 2 000 personnes ont foulé les pavés du centre-ville. Presque tous dans la vingtaine, ces manifestants ont été rejoints par quelques sexagénaires, bien au fait du problème de corruption en Ukraine, et des motifs parfois fallacieux invoqués pour affaiblir certaines institutions démocratiques.
"Dans notre pays, le business n’est pas séparé de la politique, tout se confond. Et le mélange entre la politique et l’argent est à la base de la corruption."
Dmytro, manifestantà franceinfo
"À mon avis, il sera impossible de changer les choses au Parlement, confie de son côté Oksana, donc nous sommes venus soutenir ces jeunes qui ont pris leurs responsabilités. Notre devoir, c'est de faire en sorte qu’ils soient entendus."
Après les pressions immédiates de l’Union européenne mardi, Volodymyr Zelensky a voulu rassurer : tous les organes anticorruption en Ukraine continuent, selon lui, de fonctionner normalement. Une réaction qui n'a pas réussi à convaincre Andriy : "Nous voulons vivre dans un pays normal, avec des lois. Personne ne veut vivre dans le pays le plus corrompu d’Europe." Une guerre qui n’en finit pas, un pouvoir de plus en plus centralisé et un président ukrainien qui doit jongler entre, d’un côté, ses alliés occidentaux mécontents, et de l’autre, sa survie politique en interne.