Marine Le Pen condamnée : pourquoi le jugement est motivé et fondé en droit

À la barre du tribunal comme sur les plateaux de télévision, Marine Le Pen et le Rassemblement national ont fait du mensonge leur axe de défense. Sur les faits, le caractère « exceptionnel » de la peine d’inéligibilité ou de l’exécution provisoire, comme sur l’« absence » prétendue de « fondements juridiques », l’extrême droite affabule et manipule.
D’abord, sur les actes commis eux-mêmes, à savoir que 40 contrats d’assistants parlementaires ont servi, selon le tribunal, à rémunérer des salariés du parti ne travaillant pas pour leurs eurodéputés.

Marine Le Pen, qui continue de se dire « totalement innocente », a prétendu sur TF1 le 31 mars qu’il ne s’agissait que d’un « désaccord administratif » avec le Parlement. Durant le procès, les prévenus ont développé une vision singulière du rôle des collaborateurs, considérant que c’était à eux, avec le parti et les parlementaires, de décider seuls des tâches à réaliser. Y compris de garde du corps ou d’organisation de meetings pour des élections locales. « Il ne s’agissait pas d’erreurs administratives ou d’incompréhension par les députés de règles européennes confuses », a rétabli le tribunal, rappelant que les prévenus entraient ainsi en conflit avec le règlement du Parlement européen comme avec le Code pénal.

Le risque de récidive et le refus de reconnaître l’illégalité de leurs actes

En se basant sur une foule d’éléments (mails montrant l’absence de relation entre un député et son collaborateur, incohérences sur les lieux de résidence, absence de travail effectif, témoignages alambiqués…), les juges en concluent que « l’existence d’un système mis en place pour rémunérer sous couvert de contrats fictifs des personnes qui travaillent en réalité pour le parti ou pour ses dirigeants ne fait, selon le tribunal, pas de doute ».

La condamnation apparaît donc inéluctable pour les juges. Qu’en est-il de l’inéligibilité ? S’appuyant sur plusieurs textes de lois et une jurisprudence abondante, la présidente Bénédicte de Perthuis a reconnu que cette peine était « une limite prévue par le législateur au pouvoir d’élection du peuple » mais avait « néanmoins particulièrement vocation à être prononcée à l’encontre d’élus déclarés coupables d’atteintes à la probité ». Or en l’espèce, « les infractions commises dont la gravité a été relevée sont liées à l’exercice d’un mandat électif public et ont précisément constitué une atteinte aux règles du jeu démocratique. »

Enfin, l’exécution provisoire a également été motivée en droit. Deux critères ont été retenus par le tribunal pour la prononcer. Le risque de récidive lié au fait que « les prévenus ont montré très peu d’intérêt à la manifestation de la vérité » – puisqu’ils refusent, parfois « jusqu’à l’absurde », de reconnaître l’illégalité de leurs actes, rien n’assure qu’ils ne recommenceront pas. Et le risque de trouble « irréparable » à l’ordre public « que constituerait une candidature à l’élection présidentielle d’une personne condamnée en première instance à l’inéligibilité ». Ici, le cas spécifique de Marine Le Pen est mis en avant, mais il s’agit d’une motivation classique, pour tous types d’élections. Selon le ministère de la Justice, en 2023, 16 364 mesures d’inéligibilité ont été prononcées, et 639 fois avec exécution provisoire.

En appel, la décision attendue à l’été 2026 ne devrait pas avoir à s’embarrasser de cette question de l’exécution provisoire. Un pourvoi en cassation ne suspendant pas une inéligibilité avec effet immédiat prononcé en première instance, l’équation sera simple : si Marine Le Pen est à nouveau condamnée à une peine d’inéligibilité couvrant la période de la présidentielle, elle ne pourra pas être candidate en 2027.

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