« La gauche sait s’unir, faisons de même » : comment la crise politique participe au rapprochement de la droite et de l’extrême droite

La droite et l’extrême droite se toisent, se cherchent, se rapprochent. Rien de vraiment neuf, pourrait-on dire : en juin 2024, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, une partie des « Républicains » (LR) avaient suivi Éric Ciotti, à l’époque président du parti, pour former une alliance avec le Rassemblement national (RN). Mais la crise politique actuelle comme l’approche de la prochaine élection présidentielle accélèrent fortement ce mouvement. Ce samedi, c’est d’ailleurs ce dernier, député UDR des Alpes-Maritimes, qui s’emploie à rapprocher les deux voisins à vitesse grand V en profitant du contexte politique. « Je vous tends aujourd’hui solennellement la main avec humilité pour vous proposer de me rejoindre (…) afin de préparer dans l’alliance des droites la grande alternance, a-t-il écrit aux élus LR ce samedi, comme rapporté par le Journal du dimanche de Vincent Bolloré. Nous partageons désormais, j’en suis sûr, un rejet absolu du macronisme et de son impasse. À l’heure où la France n’a jamais été aussi à droite, ce rassemblement est un devoir devant l’histoire ».

Dans cette même lettre, celui-ci demande à ses anciens collègues de parti de se « débarrasser de (leurs) clichés » et de « voir l’essentiel », à savoir « le partage d’une certaine idée de la France ». Et d’illustrer : « Aux groupes LR et UDR nos votes dans l’hémicycle se retrouvent souvent à 95 %, avec le RN à 90 %. Ces votes traduisent une convergence politique forte et évidente ». Ce souhait a-t-il des chances d’aboutir ?

Le RN « largement disposé » à un accord de gouvernement

À l’extrême droite, Éric Ciotti n’est pas le seul à travailler sur ce projet. Marion Maréchal, eurodéputée (ex-Reconquête et désormais présidente d’Identité-Libertés), en fait une priorité de longue date. Mais au RN aussi, bien que longtemps peu enthousiaste face à cette idée, cette possibilité fait son chemin. En témoigne la sortie de Jordan Bardella, le 8 octobre sur CNews (appartenant au groupe Bolloré qui milite activement pour cette fusion), « largement disposé » à conclure un possible « accord de gouvernement » avec les LR qui le voudraient bien en cas de majorité relative d’extrême droite à la suite d’une nouvelle dissolution.

Chez LR, Bruno Retailleau, chef de parti et ministre démissionnaire de l’Intérieur, bien qu’officiellement opposé à une telle fusion, a ouvert la porte à une potentielle union cette semaine en appelant à ne pas accorder « une seule voix à la gauche » dans le cadre du second tour de l’élection législative partielle dans le Tarn-et-Garonne opposant l’UDR (soutenu par le RN) et le Parti socialiste (PS). Une ligne partagée par de nombreuses figures du parti, à l’instar de la sénatrice Sylvie Goy-Chavent. « La gauche sait s’unir pour gagner alors faisons en de même ! », a-t-elle posté sur X.

Comme un symbole de ces digues qui sautent : ce jeudi, au Parlement européen, les LR François-Xavier Bellamy, vice-président du parti, Laurent Castillo, Christophe Gomart et Céline Imart ont soutenu la motion de censure déposée par Jordan Bardella contre Ursula von der Leyen alors que cette dernière appartient à leur propre groupe (PPE).

« Travaillons ensemble »

Dans le même temps, l’ancienne porte-parole LR du gouvernement de François Bayrou, Sophie Primas, invitée de RTL, a observé qu’il n’existait « pas que des désaccords avec le RN ». Et de préciser : « S’il y a un contrat de gouvernement avec des idées et des mesures qui ne sont pas orthogonales à nos convictions, travaillons ensemble ». Comme elle, d’autres LR sont sortis du bois pour plaider en faveur d’un rapprochement. Pour Henri Guaino, ex-député proche de Nicolas Sarkozy, toute honte bue, « il n’est pas anormal qu’une partie des Républicains, ou même une partie du centre sous certaines conditions, dise, dans les circonstances actuelles : « on va gouverner avec eux, on a bien gouverné avec les communistes en 1944 » ».

Une voie qui piétine les racines gaullistes du parti, comme le martèle régulièrement Jean-François Copé, maire LR de Meaux (Seine-et-Marne), mais qui correspond à une demande de sa base, à en croire les sondages réalisés sur le sujet. En juin dernier, l’institut CSA (dans une enquête pour CNews, Europe 1 et le JDD, encore eux, et menée auprès de 715 sympathisants de droite et d’extrême droite : UDI, LR, DLF, UDR, Les Patriotes, RN, Reconquête) rapportait que 74 % d’entre eux souhaitent une alliance entre la droite et l’extrême droite. « Pour comprendre LR, il faut regarder ses électeurs : ceux qui restent sont les plus nationalistes, et non pas les plus libéraux et européistes, analyse l’historien des droites Gilles Richard pour l’Humanité. La pente vers le RN est déjà amorcée, on l’a vu avec les reports de voix aux dernières législatives ». La prochaine législative, potentiellement anticipée, conclura-t-elle définitivement ce rapprochement ?

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