L’ambiance est calme rue Léon-Jost, dans le 17e arrondissement de Paris, qui abrite le siège du conseil national de l’ordre des médecins. C’est la cible des femmes qui, ce lundi 24 février, vers midi, arrivent munies de pancartes, puis déroulent une immense banderole violette siglée « Ensemble contre les violences obstétricales et gynécologiques ».
Sonia Bisch, fondatrice du collectif StopVOG, s’empare d’un mégaphone : « Si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour dénoncer l’inaction du conseil de l’ordre des médecins dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu médical. » Pour elle, l’affaire Joël Le Scouarnec, jugée à Vannes (Morbihan) à partir de ce même jour, constitue un cas emblématique de « la passivité de l’institution ».
L’ancien chirurgien est accusé de viols et d’agressions sexuelles aggravées sur 299 personnes, mineures dans leur immense majorité, commis entre 1986 et 2014 dans l’exercice de ses fonctions. « L’Ordre ne garantit pas la sécurité des patients et préfère mettre des blâmes aux praticiens qui dénoncent de graves dysfonctionnements ! » ajoute la militante.
« L’ordre a fait preuve d’importantes défaillances dans cette affaire »
Une position partagée par Anne*, médecin généraliste et membre du collectif DesOrdre, qui regroupe notamment le Syndicat de la médecine générale (SMG), le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) et le Mouvement d’insoumission aux ordres professionnels (Miop).
Elle pointe la responsabilité du conseil de l’Ordre : « Il a fait preuve d’importantes défaillances dans cette affaire. Pour nous, il est inadmissible qu’il se porte partie civile dans le procès. Quand Joël Le Scouarnec a été condamné en 2005 pour détention d’images pédopornographiques, le conseil ne l’a pas radié. Au contraire, il a pu tranquillement continuer d’exercer jusqu’en 2017 ! »
Anne rejoint ses collègues et, comme elles, se masque la bouche avec la main. Une façon pour elles de dénoncer l’omerta qui règne encore dans le milieu médical. Quelques élues ont également fait le déplacement. C’est le cas de Sarah Legrain, députée FI de la 16e circonscription de Paris.
« Cette affaire interroge forcément la responsabilité du conseil de l’Ordre. Comment a-t-on pu laisser ce médecin continuer à exercer en dépit de sa condamnation ? Rien n’a visiblement été mis en œuvre pour le contrôler ou l’écarter de ses fonctions. L’institution l’a même autorisé à prolonger son exercice après sa retraite ! »
Son indignation n’étonne pas Léonie et Murielle*. Retraitées, ces deux anciennes généralistes ont, à l’instar d’Anne, requis l’anonymat. « L’Ordre est un organisme très conservateur qui protège les médecins. Si un praticien dénonce des faits graves, il risque d’être sanctionné pour absence de confraternité en vertu de l’article 56 du Code de la santé publique ! » rappelle Murielle. « Les gens ont le sentiment que les institutions les protègent. Or, cette affaire montre que la réalité est tout autre », se désole Léonie, en jetant un regard sur la façade vitrée du conseil de l’Ordre.
* Les prénoms ont été modifiés.
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