Menace ou réalité, qu'en est-il de la puissance balistique iranienne ?
Ils avaient promis une pluie d'un millier de missiles sur Israël en réponse aux bombardements de l'État hébreu débutés vendredi 13 juin. Pour l'instant, l'Iran a réussi à tirer environ 350 missiles, d'après les dernières estimations publiées par les médias israéliens.
"Pour l'instant, il semble que la menace représentée par les missiles iraniens pour Israël ait été surévaluée", reconnaît Pieter Wezeman, analyste spécialisé dans les questions d'armement et désarmement pour l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
Où sont les 3 000 missiles ?
Avant la guerre déclenchée par Israël, l'arsenal de missiles était considéré comme l'arme de dissuasion principale de pouvoir iranien. “Il y avait d'un côté les forces pro-iraniennes telles que les Houthis ou le Hezbollah, qu'Israël a largement affaiblies, et de l'autre cette force de frappe”, précise Pieter Wezeman, qui a écrit sur la menace que représente la prolifération des missiles au Moyen-Orient.
Les estimations variaient, “mais les sources israéliennes, parmi les plus sérieuses sur cette question, évoquaient environ 3 000 missiles”, souligne Frank Ledwidge, spécialiste des questions militaires à l'université de Portsmouth, au Royaume-Uni.
Un chiffre impressionnant qui faisait de l'Iran “l'une des principales puissances balistiques dans la région, selon la Direction américaine du renseignement national”, souligne ABC News, le média public australien d'information.
Mais la guerre contre Israël a démontré qu'il pouvait y avoir un fossé entre la théorie et la pratique. D'abord, parce que dès le début des hostilités, l'armée israélienne a ciblé les infrastructures permettant à l'Iran de tirer ses missiles. “L'arsenal iranien a été réduit de moitié environ”, estime Frank Ledwidge.
Ensuite, tous les missiles ne peuvent pas atteindre Israël. L'État hébreu se trouve à plus de 1 000 km de l'Iran, ce qui signifie que seuls seul les missiles à plus longue portée dont dispose l'Iran peuvent frapper l'État hébreu, indique une analyse de l'arsenal iranien effectuée par le chercheur néerlandais Ralph Savelsberg pour le site BreakinDefense le 13 juin. Les variantes de scuds de l'ère soviétique développées par l'Iran peuvent atteindre au maximum des cibles à moins de 700 km.
Parmi les engins capables de frapper Israël, il y en a qui ont été “développés en partenariat avec la Corée du Nord, à l'instar des missiles Ghadr et Khorramshahr, et d'autres qui sont plus moderne”, résume Ralph Savelsberg.
Ce sont ces derniers qui sont les plus dangereux pour Israël et son célèbre système de défense anti-aérien. Le nec plus ultra de l'arsenal balistique iranien “ne représente pas la majorité des missiles à disposition, mais il doit y en avoir quand même plusieurs centaines”, estime Frank Ledwidge.
Haj Qassem et Qassem Bashir
Difficile de savoir à quel point l'Iran a tiré ses missiles les plus efficaces jusqu'à présent. Une chose est sûre : Israël a été ciblé par un mélange de drones et de missiles. “Les drones servaient essentiellement à distraire les défenses israéliennes pour améliorer les chances des missiles de passer”, note Frank Ledwidge.
Parmi les frappes qui ont atteint leurs cibles, “celles qui ont visé Tel-Aviv lundi étaient due aux versions les plus modernes des missiles hypersoniques iraniens”, estime Frank Ledwidge. Dans cette catégorie se trouvent des modèles “Fattah”, qui sont parmi les plus rapides, ainsi que les armes que le régime de Téhéran n'avait a priori encore jamais utilisées.
Depuis dimanche, l'Iran affirme en effet avoir tiré des missiles relativement récents qui seraient, d'après les autorités iraniennes, capables de déjouer les meilleures défenses anti-aériennes du monde, y compris le dispositif israélien ou le système Patriot nord-américain.
Il s'agirait de missiles Haj Qassem ou Qassem Bashir. Le premier modèle a été développé en 2021 et a été nommé en hommage à Qassem Soleimani, l'ancien chef de l'unité d'élite de la Force Al-Qods des Gardiens de la révolution assassiné en 2020, et le deuxième n'a été dévoilé qu'en mai 2025.
L'atout de ces missiles réside dans leur vitesse - ils peuvent atteindre les mach 5, c'est-à-dire 6 700 km/h - et le fait qu'ils sont propulsés avec des moteurs à propergol solide et non pas liquide.
Ce type de carburant solide “les rend plus faciles à transporter, à cacher et plus rapides à déployer”, énumère Pieter Wezeman. En effet, les missiles n'ont pas à être remplis de carburant juste avant d'être tirés.
La théorie et la pratique
Ces missiles Haj Qassem et Qassem Bashir ont un autre avantage : “Comme tous les missiles hypersoniques [au-delà de mach 5, NDLR] ils offrent une certaine manœuvrabilité lors de leur phase descendante”, résume Frank Ledwidge.
Autrement dit, ils sont plus difficiles à intercepter. “Ils peuvent adapter leur trajectoire soit parce qu'ils sont contrôlés à distance soit parce qu'ils sont en partie autonome et peuvent changer de trajectoire juste avant d'atteindre les coordonnées de la cible en fonction des mesures de défense déployées pour les contrer”, explique Pieter Wezeman.
Si sur le papier, ce type de missiles peut effectivement déjouer n'importe quel système anti-aérien, tout dépend de la réalisation. “Quand on regarde la réalité du terrain, les missiles envoyés par l'Iran n'ont que très rarement déjoué les défenses israéliennes, ce qui suggère qu'ils sont moins efficaces que ce qui a été promis par les autorités iraniennes”, résume Pieter Wezeman.
Ou alors l'Iran garde son artillerie la plus lourde pour plus tard, dans une logique d'escalade des tensions contrôlée ? L'idée que l'Iran en garde sous le coude ne convainc pas Pieter Wezeman car "le pouvoir, même s'il ne fait pas forte impression, ne peut se permettre d'apparaître faible. On pourrait donc penser que le pays utilise déjà ses meilleurs missiles".
Sans compter, “qu'il vaut mieux utiliser ses meilleures armes au début avant qu'Israël ne les détruise, étant donné que ce sont des cibles prioritaires”, conclut Frank Ledwidge.