REPORTAGE. En Syrie, des groupes armés attaquent des discothèques et font craindre une radicalisation du pouvoir
Deux jours que les portes du Karawan Club de Damas sont closes, fermées à double tour. Aux alentours, quelques chaînes de télévision, des passants qui s'arrêtent pour regarder les impacts sur la devanture. C'est ici, dans la nuit de dimanche à lundi 5 mai, que cinq hommes ont tiré sur la foule, parfois à bout portant. Une danseuse est décédée, explique un voisin, qui a souhaité rester anonyme : "Ils portaient des masques, avec de longues barbes. La récurrence de ces événements commence à nous faire peur", confie-t-il.
A quelques rues de là, même scène, même inquiétude. La veille, une autre boîte de nuit, nommée l'Orientale, a été prise pour cible. Un groupe armé qui a tiré en l'air, a frappé les fêtards, avant de voler aux propriétaires plusieurs milliers de dollars. L'impact des balles a brisé la vitrine du magasin d'à côté. "Beaucoup de mauvaises personnes liées à l'ancien régime avaient pris l'habitude de venir ici et payaient des prostituées pour faire des choses illégales...", glisse Ahmad, l'un des employés, qui veut croire que ce n'est peut-être qu'un acte de vengeance.
"Des amis ne font plus que des soirées chez eux"
D'autres s'inquiètent de voir ces groupes radicaux cibler le monde de la nuit, et dissuader ainsi tout rassemblement festif entre amis. Micro éteint, le chef de la police départementale du gouvernorat de Damas évoque, lui, des actes distincts, sans aucun lien. Kifah, patron d'un bar du centre de la capitale, ne veut pas y croire. Et craint d'être ciblé à son tour.
"J'ai peur de certaines personnes... Des personnes qui peuvent voir des vidéos sur Instagram, voir qu’il y a des gens qui font la fête ici, et qui viennent ensuite nous tirer dessus. Il n’y a aucune sécurité ici, aucune !"
Kifah, un patron de bar à Damasà franceinfo
Il y a deux jours, son bar a été fermé par les nouvelles autorités. Raison évoquée : l'absence de licence, impossible, dit-il, à obtenir depuis les années 1960 en Syrie. "Je pense que le problème n'est pas seulement lié au nouveau régime. C'est aussi à propos des gens. Le gouvernement a peur de ce que peut faire la frange la plus radicale...", souligne-t-il.
Ces actes entretiennent des rumeurs et une peur : celle d'une radicalisation du nouveau gouvernement syrien. "On aime faire la fête à Damas, précise Selma, qui une habituée du monde de la nuit. J'ai des amis maintenant qui ont arrêté de sortir dans des bars, ils ne font que des soirées chez eux. Je ne veux pas qu'on fasse un pays islamiste qui prive ses citoyens d'être comme ils veulent quoi..." Pour ne rien lâcher, dit-elle, il faut protester. Et protester, dès ce soir : dans un bar, autour d'un verre, avec des amis.