"Une provocation", "pourquoi pas"... La classe politique divisée avant la réception du président syrien Ahmed Al-Charaa à l'Elysée

Le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa sera reçu, mercredi 7 mai, par l'Elysée. Ce sera la première visite en Europe de celui qui a renversé le régime de Bachar al-Assad, mais qui n'est toujours pas parvenu à stabiliser le pays. Selon l'Elysée, le président français compte "rappeler ses exigences vis-à-vis du gouvernement syrien". Une visite qui n'est pas au goût de tout le monde.

L'extrême droite, notamment, dénonce une faute du président français. Et c'est Marine Le Pen qui donne le ton mardi matin. Pour la patronne des députés du Rassemblement national, on peut certes discuter avec Ahmed al-Charaa, mais pas lui dérouler le tapis rouge. "Faire l'immense honneur au président syrien d'être reçu à l'Elysée plonge probablement les Français dans un abîme de perplexité. Parce qu'il est un islamiste assumé et qu'aujourd'hui, il pèse une suspicion très lourde sur le président syrien d'organiser ou de couvrir le massacre des minorités alaouite ou druze, assène Marine Le Pen. Je pense que le président de la République, en faisant cela, commet une provocation".

Son allié de l'Union des droites pour la République, Eric Ciotti, prend encore moins de pincettes pour dire tout le mal qu'il pense de cette visite : "C'est une faute, une faute lourde, un véritable scandale. Et c'est une honte que le président de la République française reçoit ce président syrien qui a du sang sur les mains."

Le centre et la gauche plutôt favorables

Mais "avoir du sang sur les mains", comme dit Eric Ciotti, ne doit pas être un critère excluant dans le cas syrien, selon le centriste du groupe Liot Charles de Courçon. "Qui n'a pas fait des exactions ? Soit en réaction à d'autres exactions ?", se demande-t-il. "C'est quand même du point de vue ethnique extrêmement divers, du point de vue confessionnel aussi et il y a eu des choses abominables qui ont été faites par les uns et par les autres. Mais à un moment, il faut savoir se tourner vers l'avenir et voir comment on peut rétablir la paix civile", ajoute le député Liot.

À gauche non plus, cette visite ne choque pas. Une fois n'est pas coutume, les Insoumis sont plutôt d'accord avec l'initiative d'Emmanuel Macron. "Que le président le rencontre, pourquoi pas", estime le député LFI Bastien Lachaud. "Maintenant, il faut que les moyens soient mis pour s'assurer qu'une réelle transition démocratique puisse prendre place en Syrie, que les droits humains élémentaires et les droits des minorités soient respectés, affirme l'élu de Seine-Saint-Denis. J'espère que c'est un discours de fermeté sur ces points-là que le président portera."

L'écologiste Benjamin Lucas, lui, jugera sur pièce. "La diplomatie, c'est l'art – si je puis dire – en tout cas l'obligation de parler avec tout le monde", souligne le député. "Le sujet, c'est : 'Qu'est-ce qu'on dit ?' Nous avons été habitués avec le président Emmanuel Macron à avoir un discours le matin, contredit parfois par ses propres services l'après-midi, donc nous attendons de voir ce que dira le président de la République", assure-t-il. Pour un député socialiste interrogé par franceinfo, "la France doit être à la manœuvre diplomatique, et tant pis si Marine Le Pen préférait visiblement discuter avec le boucher de Damas".