Rencontres de La Baule : les écrivains victimes des coupes budgétaires de Christelle Morançais

Écrivains en bord de mer, c’est fini. Bernard Martin, fondateur et directeur artistique du festival littéraire vient de l’annoncer : il n’y aura pas en juillet de 29e édition. Une décision prise « la mort dans l’âme », faute de trouver une solution face au retrait du premier financeur de cette manifestation, la Région Pays de Loire.

On se souvient de l’annonce, en novembre 2024, par sa présidente Christelle Morançais, de sa volonté de procéder à 100 millions d’économies – deux fois et demie ce que demandait le gouvernement — dans son budget. Dans le viseur, la culture, le sport, l’action sociale, l’égalité femmes hommes. Une politique de gribouille, quand on sait que la culture représente, dans la région, 2 400 emplois. Qu’importe : les Trump, Musk et autre Milei ont leurs petits émules. Et dans les grandes manœuvres de la droite, un peu de visibilité n’est pas à dédaigner.

Les victimes, ce sont d’abord toutes celles et ceux qui ont fait de cette région un exemple de réussite culturelle. Et puis surtout les écrivains et les lecteurs. En 28 éditions, Écrivains en bord de mer avait trouvé son public, malgré, au début, le scepticisme de ceux qui n’imaginaient pas que dans l’ambiance balnéaire et estivale, il y avait une place pour la littérature. Pourtant, les curieux qui passent entre deux bains de mer et restent écouter lectures et débats, et les habitués qui d’une année sur l’autre programment leurs vacances pour y inclure ce rendez-vous, tous ont fait de ce week-end de juillet un des plus beaux moments de découverte et de partage.

Exigence littéraire et décontraction vacancière

Il serait vain de donner ici la liste des écrivains et artistes qui ont fréquenté ces « bords de mer ». Nos lecteurs et lectrices ont pu, année après année, se faire une idée de son importance, en parcourant les programmes, où l’on pouvait d’ailleurs souvent retrouver des autrices et auteurs familiers de nos colonnes. Mais à leurs côtés, on pouvait faire bien des découvertes. Les auteurs confirmés de l’année en cours et ceux qui allaient, quelques semaines plus tard, faire leurs premiers pas dans la rentrée littéraire cohabitaient dans une programmation où l’exigence littéraire et la décontraction vacancière se côtoyaient avec bonne humeur.

Le rayonnement d’Écrivains en bord de mer dépassait très largement la « Côte d’Amour ». Un partenariat avec la Poetry Foundation faisait de cette manifestation un lieu de passage pour la poésie états-unienne. Cet engagement s’étendait à des auteurs et des littératures de tous les pays pour faire des rencontres un événement international de référence, construit par un travail patient et de longue haleine.

Voilà ce qui va disparaître « cette année au moins ». « La suppression brutale et totale de la subvention de la Région des Pays de la Loire, qui représentait plus d’un tiers de notre budget, rend la tenue du festival impossible », déclare Bernard Martin, qui précise avoir cherché vainement des sources de financement alternatives qui auraient pu permettre aux rencontres de se tenir.

Même une réduction de format, compte tenu de la part de frais incompressibles, n’aurait pas suffi, avec ce budget amputé, de les sauver, sauf à accepter une réduction de « la qualité artistique et les engagements que nous devons à notre public comme à nos invités ». « Nous avons exploré toutes les alternatives : sollicitation de mécènes, dépôts de dossiers auprès de fondations et d’institutions culturelles », ajoute-t-il. Un regret de taille, l’attitude de la municipalité bauloise, qui n’a pas souhaité augmenter « même symboliquement » sa participation, alors qu’elle avait depuis plusieurs années divisé par deux sa subvention.

La belle aventure s’arrête là. Mais la passion de Bernard Martin et de son épouse Brigitte, cofondatrice, ne disparaît pas. À Noirmoutier, depuis plusieurs années, ils ont monté ce qui au départ était une escale d’Écrivains en bord de mer. Cela devient une manifestation autonome, qui a accueilli en mai Julia Deck, prix Médicis 2024. Le duo fourmille d’idées pour en faire une manifestation pérenne, profondément implantée, tout au long de l’année, chez les lecteurs de l’île. Le voyage continue.

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