"J'ai le plaisir d'informer nos nombreux patriotes américains que je désigne 'antifa', une catastrophe de la gauche radicale, malade et dangereuse, comme organisation terroriste." C'est le message posté par le président américain, mercredi 17 septembre, sur son réseau Truth Social. En début de semaine déjà, la Maison Blanche avait manifesté son intention de réprimer le "terrorisme intérieur" de gauche, après la mort de Charlie Kirk. La mouvance "antifa" est dans le viseur de Donald Trump depuis 2020 et les émeutes qui avaient suivi la mort de George Floyd.
Aux Etats-Unis, le mouvement "antifa" n'a pas les mêmes origines que celles que l'on connaît en Europe, motivé par la lutte contre Mussolini en Italie et Hitler en Allemagne, dès la première partie de XXe siècle. Ce n'est que dans les années 1980 que les "antifa" américains se regroupent, revendiquant des actions antiracistes. Aujourd'hui, le mouvement lutte notamment pour les droits des minorités. La popularité de la mouvance "antifa" américaine a connu un regain de popularité depuis l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump en 2017, comme le rapportait le magazine The Atlantic.
"Pas un groupe ou une organisation, mais une idéologie"
Il s'agit essentiellement de militants engagés contre l'extrême droite et les suprémacistes blancs. Dépourvu de dirigeants, comme d'une structure formelle, le mouvement est organisé en groupes informels fonctionnant de façon indépendante plutôt qu'en organisation, selon l'historien américain Mark Bray, auteur d'un livre de référence sur le sujet. C'est aussi ce qu'estime l'ancien directeur du FBI, Chris Wray, qui estimait en 2020 que la mouvance "antifa" n'était "pas un groupe ou une organisation, mais une idéologie", tout en reconnaissant qu'elle représentait un sujet de préoccupation pour l'ordre public aux Etats-Unis.
En 2020, sur son compte X, le groupe antifa de New York revendiquait lutter "pour un monde sans fascisme, racisme, sexisme, homo/transphobie, antisémitisme, islamophobie ni haine". Le message concluait : "Les protestations n'ont pas de leader. Le pouvoir au peuple." Les membres de la mouvance, souvent entièrement vêtus de noir, dénoncent le racisme, les valeurs d'extrême droite et ce qu'ils considèrent comme du fascisme, et estiment que des actions violentes sont parfois justifiées.
"Devenir importants à travers la violence"
La méthode des groupes "antifa" tient essentiellement de la confrontation directe avec les groupes auxquels ils s'opposent. Des contre-manifestations sont ainsi souvent organisées. C'était le cas à Charlottesville, en Virginie, en 2017, en marge d'un rassemblement de suprémacistes blancs.
Plusieurs médias américains, comme CNN, avaient alors pointé les actions violentes des "antifa". Un militant avait expliqué à la chaîne américaine : "Vous devez rendre tellement insupportable d'organiser des rassemblements de suprémacistes blancs qu'ils ne voudront plus le faire. Et historiquement, c'est ce qui fonctionne. Il faut mettre son corps en travers de la route et s'exprimer dans une langue qu'ils comprennent. Et parfois, c'est la violence."
Le directeur du Centre d'études de la haine et de l'extrémisme à l'université d'Etat de Californie à San Bernardino, Brian Levin, à l'occasion d'un entretien sur la même chaîne, estimait : "Ce qu'ils essaient de faire maintenant est non seulement de devenir importants à travers la violence lors de ces rassemblements très en vue, mais aussi de tendre la main à travers de petites réunions et sur les réseaux sociaux pour attirer des progressistes qui étaient jusqu'ici pacifiques".
Du "terrorisme intérieur" selon le gouvernement américain
La question de classer la mouvance "antifa" d'organisation terroriste s'était heurtée à plusieurs obstacles en 2020, au moment des violents incidents qui avaient suivi la mort de George Floyd. Bruce Hoffman, membre du groupe de réflexion Council on Foreign Relations et spécialiste du terrorisme, avait notamment fait remarquer que "seul le secrétaire d'Etat américain peut désigner une organisation terroriste – et il s’agit de la désignation [d’une organisation] étrangère, pas nationale."
En effet, les États-Unis n'ont à ce jour aucune liste d'"organisations terroristes nationales". Les organisations classées terroristes sont non américaines, comme le groupe Etat islamique, Al-Qaïda ou encore les Gardiens de la Révolution islamique iranienne. En ce qui concerne les "antifa", le gouvernement américain semble s'accorder sur la désignation de "terrorisme intérieur".
Enfin, rappelons que la mouvance ne constitue pas une seule et même organisation nationale, mais un ensemble de collectifs autonomes fonctionnant sans hiérarchie, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire. Depuis la déclaration de Donald Trump, mercredi, la Maison Blanche n'a, pour l'instant, pas détaillé la mise en place de cette désignation.