REPORTAGE. "Sorcellerie occulte, ancienne et profonde" : en Arizona, après le meurtre de Charlie Kirk, les nationalistes pro-Trump radicalisent leur discours

C'était il y a une semaine jour pour jour : le meurtre de l'influenceur ultra-conservateur Charlie Kirk sur un campus de l'Utah par un jeune de 22 ans, Tyler Robinson. Ce drame qui a bouleversé l'Amérique a encore accentué la polarisation de la société américaine. En Arizona, là où vivait Charlie Kirk et où il avait installé son mouvement, il suffit de pousser la porte d'une église évangélique pour comprendre cette Amérique blanche, nationaliste et pro-armes qui a la Bible comme boussole.

Le pasteur Mark Driscoll est un ami de Charlie Kirk et dimanche 14 septembre, il faisait face à 5 000 personnes dans son église. La cible de son discours du jour : le meurtrier et ses "tendances sexuelles perverses". "L'ensemble du mouvement transgenre est une tentative du démon pour nous faire renier le fait que Dieu nous a créés, homme et femme, à son image. La transidentité est démoniaque. Tout cela relève d'une sorcellerie occulte, ancienne et profonde", lance-t-il dans son prêche.

"N'envoyez pas vos enfants dans ces camps d'endoctrinement"

Pour les ultra-conservateurs, l'université publique est également coupable, considérée comme un instrument de propagande de la gauche. Kari Lake, ex-star de la télé en Arizona, est devenue l'une des figures de la galaxie Trump. "Je ne vais pas dire que notre camp est parfait. Mais, bon sang, ça vient de l'autre camp !", assure-t-elle. Puis, parlant du tireur : "Il y a cinq ans, c'était un partisan de Trump. Nous avons envoyé nos enfants à l'université et ils lui ont lavé le cerveau. N'envoyez pas vos enfants dans ces camps d'endoctrinement ! Ne faites pas ça !"

Le campus de Phoenix, avec ses 100 000 étudiants est le plus grand de ces "camps d'endoctrinement" du pays. Ginger, 21 ans, y termine son mémoire sur la rhétorique de la violence religieuse. "Dans mes cours, il y avait beaucoup de convictions différentes et tout le monde pouvait les exprimer de façon très claire et très franche, raconte-t-elle. Mais je ne suis pas surprise. J'ai déjà tellement entendu ce genre de discours… Beaucoup de politiques nous bassinent avec ça. C'est très courant ici, à tel point que c'est difficile d'imposer un autre récit."

"La démocratie est en train de perdre du terrain"

Pour le directeur du département de sciences politiques, Günes Murat Tezcür, le meurtre de Charlie Kirk risque de conduire à de nouvelles coupes budgétaires. Mais il y a plus grave : "Ça me rappelle les années 60, quand la violence était devenue banale. Pensez à Kennedy, Martin Luther King, Malcom X... Assassinés par des gens ordinaires qui ne partageaient pas leurs opinions politiques."

"Dans les sondages aujourd'hui, vous avez de plus en plus de personnes, notamment les jeunes, qui pensent qu'il est normal de recourir à la violence physique contre l'autre camp. Beaucoup de politologues dans ce pays pensent que la démocratie est en train de perdre et je suis d'accord : tout ce qui se passe est très dangereux", conclut Günes Murat Tezcür. La remise à titre posthume à Charlie Kirk de la médaille de la Liberté, la plus haute distinction civile des États-Unis, va encore attiser les tensions.