Démission de Justin Trudeau, annexion du Panama et du Groenland, conflit idéologique avec l’Europe et la Chine… La poussée impérialiste de Donald Trump
Donald Trump le répète à qui veut l’entendre : « Nous ne sommes plus stupides à présent. » Par « nous », le président réélu désigne les États-Unis, victimes selon lui d’un traitement inégal du Panama en ce qui concerne le prix des péages pour les navires provenant de sa juridiction, sur le canal du Panama. Critique de cette politique commerciale, celui qui rêve du passage de cette artère vitale du transport maritime mondial sous pavillon états-unien, a tenu une conférence de presse, mardi 7 janvier, depuis sa résidence de Mar-a-Lago (Floride), et en a profité pour appuyer son agenda impérialiste.
Quitte à agiter la menace d’une intervention armée, en ne rechignant pas à évoquer cette possibilité lors de la séance de questions-réponses avec la presse. « Je ne peux pas vous l’assurer, sur aucun des deux », a ainsi annoncé l’élu républicain, lorsque des journalistes lui ont demandé s’il pouvait garantir ne recourir à la violence pour annexer le canal du Panama ou le Groenland (territoire du Danemark).
« Le Groenland est aux Groenlandais »
« Ils ne nous traitent pas de manière juste. Ils font payer nos navires davantage que les navires d’autres pays, lance ainsi Donald Trump, telle une menace à peine voilée envers l’État du Panama. Ils se moquent de nous parce qu’ils pensent que nous sommes stupides. » Réponse immédiate du ministre des Affaires étrangères local, Javier Martinez-Acha : la souveraineté du Panama sur ce canal « n’est pas négociable ». La première ministre danoise, Mette Frederiksen, a quant à elle rappelé que « le Groenland est aux Groenlandais », en réaction à l’arrivée du fils de l’élu républicain, Donald Trump Jr., au Groenland pour une visite privée en tant que « touriste ».
En se prenant à nouveau à ces deux territoires, l’ancien homme d’affaires ne s’y trompe pas. Donald Trump continue d’utiliser l’outrance – et la peur – comme une arme géopolitique. Si le rendez-vous avec la presse à Mar-a-Lago était censé concerner un investissement émirati pour construire de nouveaux centres de données aux États-Unis, le futur président a rapidement évacué cette question pour aborder un vaste éventail de questions internationales pendant plus d’une heure. De quoi rappeler la vision que porte Donald Trump sur le monde : celle d’un propriétaire qui navigue au sein d’un marché immobilier et financier.
Le président réélu cultive la culture de la concurrence héritée de son passé d’entrepreneur et l’applique à son programme. Comme quand il annonce une hausse de 25 % des tarifs douaniers sur tous les produits importés d’un Canada victime de l’inflation, le 25 novembre 2024. Annonce qui aura condamné le mandat du premier ministre Justin Trudeau, déjà fragilisé au sein même de son propre parti. Les effets ne se sont pas fait attendre : le dirigeant canadien a annoncé sa démission, lundi 6 janvier.
Loin de s’en satisfaire, Donald Trump en a alors profité pour réitérer sa volonté de transformer le Canada en « 51e État » du pays qu’il va diriger à partir du 20 janvier prochain. « Si le Canada fusionnait avec les États-Unis, il n’y aurait pas de droits de douane, les impôts baisseraient considérablement, a-t-il martelé sur son réseau social personnel, Truth. Le Canada serait totalement sûr face à la menace des navires russes et chinois qui l’entourent constamment. »
Considérée comme une menace existentielle
« Jamais, au grand jamais, le Canada ne fera partie des États-Unis », lui a rétorqué le premier ministre canadien, suivi par la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, qui a annoncé que le Canada ne reculerait « jamais face aux menaces ». Le statut du voisin d’Amérique du Nord n’apparaît que comme un moyen pour l’élu républicain d’avancer ses pions dans la guerre commerciale et idéologique qui l’oppose à la Chine, considérée comme une menace existentielle pour les États-Unis.
Donald Trump reprend ainsi à son compte – et l’incorpore à son entreprise libérale et autoritaire – la stratégie géopolitique construite par les États-Unis depuis les années 1990. Les outrances du prochain président s’inscrivent notamment dans les pistes dictées par la déclaration de politique générale sur la mission de l’Amérique dans l’après-guerre froide, rédigée en 1992 par Paul Wolfowitz, alors sous-secrétaire d’État à la Défense, puis abandonnée face au tollé provoqué par la divulgation de la note par le New York Times et le Washington Post. Ce dernier y faisait état du premier objectif des États-Unis : « Empêcher la réémergence d’un nouveau rival. »
Quitte à, pour cela, « empêcher toute puissance hostile de dominer une région dont les ressources, sous contrôle consolidé, seraient suffisantes pour générer une puissance mondiale ». Mais aussi à insister sur le fait que « les États-Unis “devraient s’attendre à ce que les futures coalitions soient des assemblées ad hoc” formées pour faire face à une crise particulière et qui pourraient ne pas survivre à la résolution de la crise ».
Il n’est donc guère étonnant à ce que le milliardaire républicain ait relancé, lors de sa conférence de presse à Mar-a-Lago, ses accusations envers l’Otan, dont il n’a jamais caché faire peu de cas. Donald Trump a ainsi affirmé que les membres de l’alliance ne payent pas suffisamment en échange de la protection des États-Unis. Pour lui, les États membres doivent accroître leur budget de défense à 5 % de leur PIB, contre les 2 % actuellement requis. « Ils peuvent tous se le permettre », a-t-il insisté. Soit des propos dans la lignée de sa défiance envers l’Europe. Comme quand il rapportait une conversation avec le patron d’Apple, Tim Cook, pendant l’élection présidentielle : « Je ne vais pas les laisser profiter de nos entreprises. Cela n’arrivera pas. »
Dernière annonce choc : Donald Trump a annoncé vouloir modifier le nom du golfe du Mexique en « golfe de l’Amérique » dès son retour à la Maison Blanche. Avant de fustiger le Mexique, qui « doit cesser de laisser des millions de gens se déverser dans notre pays », en référence à la traversée de la frontière par des exilés clandestins. S’il n’est pas encore investi, le président réélu a bel et bien démarré son programme, dont les effets commencent déjà à se faire ressentir à l’international.
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