Un ours dans le Jura, L’Amour au présent, Bird... Les films à voir et à ne pas voir cette semaine
Eephus, le dernier tour de piste - À voir
Drame de Carson Lund - 1 h 38
« Qu’allons-nous devenir, Joe DiMaggio ? » Telle est la question. Leur terrain de base-ball va être détruit. Il sera remplacé par une école. Dans la Nouvelle-Angleterre des années 1990, la nouvelle a de quoi choquer les habitués, qui vont disputer leur dernier match. Ils ont une bonne quarantaine, de la brioche et les genoux en compote. Leurs maillots les serrent aux entournures. Ce sont des amateurs, des sportifs à la petite semaine. Leurs rencontres leur servaient de soupape. C’était leur jardin secret, leur parenthèse. Ils parlaient de tout et de rien, se connaissaient par cœur, n’avaient plus la force de se fâcher. Les disputes appartenaient au folklore. Le score comptait peu. À l’écart, un vieux supporteur compte les points avec une maniaquerie dérisoire. Ils continuent à faire comme si.
Sentimental sans être larmoyant, d’une détresse qui ne bombe pas le torse, le premier film de Carson Lund s’inscrit dans la lignée de La Dernière Séance de Bogdanovich, autre métaphore crépusculaire, adieu à un monde enfoui. É. N.
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L’Amour au présent - À voir
Comédie dramatique de John Crowley - 1 h 48
C’est par une collision que Almut entre dans la vie de Tobias. Cette star montante de la cuisine renverse sur la route ce directeur de marketing d’une entreprise de céréales pour petit déjeuner, déprimé par son divorce imminent. Pour se faire pardonner de l’avoir envoyé à l’hôpital, elle l’invite à dîner dans son établissement londonien étoilé. Les étincelles n’ont pas lieu que dans l’assiette. Elle est une extravertie qui vise un Bocuse d’or. Lui, plus fleur bleue, rêve de fonder une famille. L’Amour au présent suit leur trajectoire à trois moments clés : les débuts de leur idylle, la naissance de leur fille et le combat d’Almut contre un cancer en phase terminale. Ces chronologies s’entremêlent dans un big bang de petits riens joyeux et de réminiscences plus mélancoliques.
Le réalisateur irlandais John Crowley tisse une réflexion sur les instants qui nous changent, et ceux qui nous construisent, sur le temps qui échappe à tout contrôle et recompose les souvenirs. Florence Pugh et Andrew Garfield insufflent légèreté et absurde à cette partition. C. J.
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Maja, une épopée finlandaise - À voir
Drame de Tiina Lymi - 2 h 44
Une terre aussi majestueuse qu’inhospitalière, particulièrement l’hiver. C’est là que s’installe Maja, une fois mariée par son père à Janne, modeste pêcheur barbu et bienveillant. Car ce patriarcat cache un amour véritable. Passé une nuit de noces atroce, les deux jeunes époux batifolent dans l’eau gelée et se réchauffent sur les rochers. Janne construit à sa bien-aimée une maison solide, foyer chaleureux qui accueille bientôt quatre beaux et blonds enfants. Ni pleurs, ni coups, ni viol conjugal. Le mariage arrangé devient un facteur d’émancipation pour la jeune femme d’abord soumise et illettrée. Janne lui offre une ardoise afin qu’elle apprenne à écrire. Mais la guerre vient contrarier ces jours heureux.
Maja, une épopée finlandaise ressemble un peu à une version douce de La Leçon de piano, la palme d’or de Jane Campion. Cela dit, le film de Tiina Lymi est moins une épopée qu’un mélo, ou du moins le portrait d’une femme, plus intimiste qu’épique. Il peut se regarder comme un conte de Noël. É. S.
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Bird - On peut voir
Drame d’Andrea Arnold - 1 h 58
Bailey, 12 ans, vit avec son frère Hunter et son père Bug dans un squat. Bug, tatoué des pieds à la tête, roule en trottinette électrique et compte se faire de l’argent avec un crapaud du Colorado qui crache une bave hallucinogène quand on lui met de la musique. Quand ce cas social annonce à Bailey qu’il se marie avec sa nouvelle copine rencontrée trois mois plus tôt, la jeune adolescente refuse de jouer les demoiselles d’honneur. Les enfants sont plus matures que les adultes, irresponsables et même violents. Une bande de gamins mènent d’ailleurs des expéditions punitives contre les parents du quartier qui maltraitent leur progéniture, et ils sont nombreux. Le beau-père de Bailey est aussi une brute épaisse qui terrorise sa mère et ses frères et sœurs. La chronique miséreuse prend un tour différent avec l’arrivée d’un étranger dans le monde de Bailey.
Si Bird décolle dans sa dernière partie et parvient à s’extraire d’une peinture naturaliste et convenue des classes populaires, il reste très en dessous du Règne animal. À côté du bestiaire fantastique de Thomas Cailley, le volatile d’Andrea Arnold fait un peu figure d’oiseau déplumé. É. S
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Quiet life - On peut voir
Drame d’Alexandros Avranas - 1 h 39
Un titre en anglais (à la place d’un autre titre en anglais, Apathy). Un réalisateur grec. Une esthétique autrichienne (on pense à Michael Haneke). Un syndrome constaté en Suède qui affecte des enfants de réfugiés d’un pays jamais nommé (l’Ukraine ?). Drôle de salade. Alexandros Avranas s’inspire du « syndrome de résignation », phénomène qui touche des centaines d’enfants poussés sur le chemin de l’exil avec leurs parents. Par désespoir, ces enfants (se) plongent dans le coma. Une façon de se retirer du malheur du monde, de s’extraire d’une réalité sans joie – ex-Yougoslavie hier, Syrie aujourd’hui, les enfers sur Terre ne manquent pas. Les deux fillettes de Sergei et Natalia « s’absentent » ainsi quand leur demande d’asile est rejetée.
La froideur de la mise en scène chasse tout pathos. Au point d’être glaciale et de tuer toute émotion. Il faut attendre la toute fin pour qu’un peu de chaleur humaine réchauffe les cœurs. Des personnages comme des spectateurs. É. S.
Un ours dans le Jura - À éviter
Comédie de Franck Dubosc - 1 h 53
Tout commence un 21 décembre sur une route sinueuse des montagnes jurassiennes. En voulant éviter un ours qui surgit sur la chaussée verglacée, Michel, vendeur de sapins désabusé, percute violemment une voiture arrêtée sur le bas-côté. Bilan ? Deux morts et, dans le coffre de la Mercedes, 2 millions d’euros en billets usagés, cachés dans un sac de sport… À cela, on ajoutera des migrants en transit, des trafiquants patibulaires, un tueur à gages borné comme une buse, et des gendarmes un peu bébêtes qui ne pensent qu’à rentrer chez eux fêter Noël.
L’éternel amuseur des plages de camping s’égare dans une forêt de clichés assez désolante. Le pseudo-thriller grinçant à l’humour acéré se transforme alors en un calvaire prévisible doublé d’un vaudeville mal rythmé. Rien à faire, le film hésite constamment entre le drame sérieux et la comédie de situation, sans jamais choisir son camp. Au final, cette balade dans le Jura ressemble à une randonnée mal préparée. Quant à l’ours, il aurait mieux fait de rester dans ses montagnes. O. D.
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