Proposition de loi Duplomb : après le rejet du texte par l'Assemblée, la gauche dénonce un "49.3 déguisé"

Stratégie payante. Dans une ambiance crispée, l'Assemblée nationale a rejeté lundi 26 mai la proposition de loi agricole dite Duplomb, par une manoeuvre tactique du bloc central pour éviter les quelque 3500 amendements déposés notamment par les écologistes et les insoumis. "C'est une motion qui rejette l'obstruction" des opposants au texte, a ainsi souligné la ministre de l'Agriculture, lundi soir.

De quoi faire grincer des dents, notamment à gauche qui parle d'un "49.3 déguisé", comme la députée LFI Aurélie Trouvé. "Il y a des désaccords profonds. Il fallait qu'on mène ce débat dans l'hémicycle", plaide-t-elle. Les soutiens de la loi Duplomb justifient leur tour de passe-passe en accusant la gauche de faire de l'obstruction avec plus de ces milliers d'amendements déposés. "C'est inédit !, dénonce le député PS, Arthur Delaporte. C'est la première fois dans l'histoire de la République que le Parlement décide de se bâillonner de lui-même alors qu'il y a soi-disant une majorité de députés pour un texte."

"C’est un précédent extrêmement grave", renchérit, mardi, Boris Vallaud, député des Landes et président du groupe PS à l’Assemblée nationale. "La réalité, c’est que des parlementaires eux-mêmes, dont le rapporteur de ce texte, décident de ne pas débattre de ce texte à l’Assemblée et de tout renvoyer dans une forme de conclave", regrette-t-il.

"On appelle à la mobilisation"

Sur franceinfo, le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard accuse pour sa part "la macronie" d'avoir "inventé le 49.3 des députés". "C'est une solution très mauvaise, que le passage en force du gouvernement pour nous imposer la réintroduction de ce pesticide [de la famille des néonicotinoïdes] extrêmement dangereux", ajoute le député des Bouches-du-Rhône. "On ne l'accepte pas et donc on appelle à la mobilisation. Et puisque le gouvernement a choisi de passer en force dans les prochaines heures, nous déposerons une motion de censure contre le gouvernement", précise-t-il.

"On assume", répondent les partisans de la loi Duplomb, les soutiens du gouvernement et l'extrême droite. "C'est l'arroseur arrosé, s'amuse le député Modem et ancien ministre de l'Agriculture Marc Fesneau dans l'hémicycle. C'est quand même un peu l'hôpital qui se moque de la charité. On ne peut pas dire que vous n'ayez pas usé, parfois même abusé, des motions de rejet préalables, y compris sur des textes que vous avez après soutenus", lâche-t-il, provoquant des huées. Des députés insoumis ont alors brandi des pancartes mentionnant des victimes de maladies liées à l'exposition aux pesticides.

Le texte part désormais en commission mixte paritaire. Sept députés et sept sénateurs pour tenter de trouver un compromis à huis clos, une configuration beaucoup moins hostile que l'hémicycle où le gouvernement est privé de majorité.