« On entend des hurlements à mort » : au procès Nemmouche, les premiers témoignages des ex-otages de l’État Islamique
Près de dix ans plus tard, les spectres d’une violence sanglante sont ravivés à la Cour d’assises de Paris, lundi 17 février. Cinq membres de l’État islamique (EI), dont Mehdi Nemmouche, déjà condamné à perpétuité pour la tuerie commise au musée juif de Bruxelles en 2014, sont jugés pour avoir enlevé et séquestré quatre journalistes français en Syrie, en juin 2013.
« Cagoule sur la tête, mains dans le dos, on nous embarque dans une camionnette » raconte le premier ex-otage, Édouard Elias, photographe de 33 ans. Il en avait 22 en 2013 quand il a été enlevé par le groupe jihadiste naissant État islamique, raconte-t-il devant la cour d’assises spéciale de Paris, relate l’Agence France-Presse (AFP).
« Ils ont égorgé des gens juste devant ma porte »
La camionnette s’arrête. « À genoux, ”Allah Akbar”, la kalachnikov sur la tête, clac. Premier simulacre d’exécution, ça fait bizarre », mais « on s’habitue », précisera-t-il plus tard. Arrivés dans leur premier lieu de détention, ils sont attachés dans des pièces séparées à un radiateur pendant quatre jours, sans eau ni nourriture. Ils se font tabasser. « On a aucun répit. À côté on entend des hurlements à mort on sait pas ce qu’il se passe. On est des loques », décrit Édouard Elias.
Transféré à l’hôpital d’Alep, « c’est continuellement, continuellement, des cris de gens en train de mourir. Tout le temps, le jour la nuit, un abattage systématique de Syriens. C’était une machine, une horreur absolue », témoigne l’ex-otage. Dans les couloirs, des rangées d’hommes suspendus au plafond – les images de la vidéosurveillance de l’époque ont été diffusées à l’audience la veille – frappés par des gardiens à grands coups de bâtons, rapporte l’AFP. Au sol, des « monceaux d’êtres humains en train de geindre, des cadavres vivants ».
Les otages occidentaux sont privés de nourriture et frappés – « je vois mon visage en cellule, il est bleu, littéralement bleu » – mais se rendent vite qu’ils sont « à part », qu’ils ont de la valeur et qu’on ne les tuera pas comme ça, dans un sous-sol d’hôpital parmi des milliers d’anonymes. « J’entendais des gens hurler, ils ont égorgé des gens juste devant ma porte ».
« Il y a une voix que j’ai entendue ici, dans cette salle. Je l’ai reconnue formellement », dit Édouard Elias sans un regard pour Mehdi Nemmouche dans le box, qui a lui soutenu n’avoir « jamais » été geôlier, raconte l’AFP. « Cette voix » dit-il sans prononcer son nom, « c’est celle que j’ai entendue en Syrie, je suis formel parce que c’est au fond de mes tripes ».
Mehdi Nemmouche, aujourd’hui 39 ans, encourt la prison à perpétuité. « Il sait qu’il ne sortira jamais de prison », a avoué son avocat, Francis Vuillemin. Son client, qui n’a parlé ni pendant le procès à Bruxelles ni pendant l’instruction, s’est exprimé à l’ouverture du procès. « Je vais faire une déclaration préalable », a-t-il annoncé au moment de décliner son identité devant la cour d’assises spéciale. « Je n’ai jamais été le geôlier des otages occidentaux ni aucun autre, et je n’ai jamais rencontré ces personnes en Syrie », a-t-il prétendu, assurant qu’il n’avait été qu’un « soldat sur le front » engagé dans divers groupes jihadistes contre le régime de Bachar al-Assad.
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