« Il sait qu’il ne sortira jamais de prison » : le procès de Mehdi Nemmouche et de quatre autres jihadistes s’est ouvert à Paris

Près de dix ans plus tard, les spectres d’une violence sanglante sont ravivés à la Cour d’assises de Paris, lundi 17 février. Cinq membres de l’État islamique (EI), dont Mehdi Nemmouche, déjà condamné à perpétuité pour la tuerie commise au musée juif de Bruxelles en 2014, sont jugés pour avoir enlevé et séquestré quatre journalistes français en Syrie, en juin 2013.

Une décennie suivant le choc de la disparition des reporters, leur délivrance le 18 avril 2014, la déflagration que fut la décapitation – captée puis diffusée sur YouTube le 20 août 2014 – du journaliste états-unien James Foley, et l’ouverture d’une enquête préliminaire, les anciens otages vont pouvoir enfin entendre leurs ravisseurs. Une étape « nécessaire à la manifestation de la vérité », résume Nicolas Hénin, journaliste enlevé en juin 2013 alors qu’il travaillait pour l’hebdomadaire le Point, au micro de France Inter, quelques heures avant le lancement du procès.

James Foley et l’humanitaire britannique David Haines exécutés

Les journalistes français Didier François (grand reporter) et Édouard Elias (photographe) ont été enlevés une dizaine de jours plus tôt, le 6 juin, tandis que Nicolas Hénin et Pierre Torres (photographe) ont subi le même sort le 22 juin. L’« État islamique en Irak et au Levant », venait alors de se fonder, en avril de la même année, suite à une scission au sein du groupe jihadiste Jabhat Al-Nosra (devenu ensuite État islamique). Ces derniers ont par la suite séquestré de nombreux humanitaires et journalistes occidentaux, pour la majorité détenus ensemble. Plusieurs d’entre eux, dont le journaliste américain James Foley et l’humanitaire britannique David Haines, ont été exécutés, en tenue orange, et après avoir dû lire un discours face caméra.

Un mois après le retour en France des quatre journalistes, le 24 mai 2014, Mehdi Nemmouche a ensuite abattu froidement quatre personnes au musée juif de Bruxelles. Il fut le premier d’une longue liste de jihadistes de l’EI rentrant de Syrie pour commettre des attentats en Europe. Arrêté quelques jours plus tard à Marseille, sa photo a été publiée dans la presse. Plusieurs ex-otages en ont ainsi eu la certitude : il est « Abou Omar », l’un de leurs tortionnaires en Syrie. Sentiment confirmé par la diffusion de sa voix, rendant la nouvelle « à 100 % » fiable.

Décrit comme « bavard », « pervers » et « sadique » par ses victimes présumées, Mehdi Nemmouche s’est converti dans le « nettoyage ethnique religieux », particulièrement antisémite. Celui qui était admiratif de Mohammed Merah, tueur d’enfants juifs dans une école à Toulouse en 2012, a redoublé de cruauté et d’ingéniosité pour multiplier les supplices. Fan d’actualité et de l’émission Faites entrer l’accusé, il aurait obligé les otages à participer à des quiz – sans quoi il menaçait de les égorger. Il aurait imposé ses imitations de Coluche ou des Inconnus, ses interprétations d’Aznavour ou des génériques de dessins animés de son enfance. « Tu ne t’attendais pas à entendre chanter un moudjahidin d’Al-Qaïda », avait-il pris l’habitude de lancer.

« Une goutte dans l’océan »

Mehdi Nemmouche n’en restait pas moins violent, selon les victimes. Didier François a par exemple raconté que le membre du groupe djihadiste lui avait écrasé, avec une pince, le bout des doigts, jusqu’à lui arracher les ongles. Nicolas Hénin a, quant à lui, dû rester agenouillé face à un mur, alors que Mehdi Nemmouche affirmait prévoir de la décapiter. Enfin, « le 11 septembre 2013, il avait privé ses captifs de nourriture en hommage aux attentats du 11 septembre 2001 », rapporte le Monde.

Les ex-otages ont aussi raconté les insoutenables cris des détenus syriens torturés par des hommes hurlant en français, le plaisir sadique de Mehdi Nemmouche quand il venait raconter, ou quand il laissait un corps égorgé devant leur porte. « Tout au long des débats, alors que nous rapporterons devant la cour les supplices que vous avez infligés à vos otages occidentaux, tuant même huit d’entre nous, il conviendra de se rappeler que les souffrances endurées par notre petit groupe n’étaient qu’une goutte dans l’océan de celles que vous avez fait subir à des millions de Syriens », a écrit Nicolas Hénin dans une « lettre à ses ravisseurs » publiée dans les colonnes du Monde, lundi 10 février.

Mehdi Nemmouche, aujourd’hui 39 ans, encourt la prison à perpétuité. « Il sait qu’il ne sortira jamais de prison », a avoué son avocat, Francis Vuillemin. Son client, qui n’a parlé ni pendant le procès à Bruxelles ni pendant l’instruction, s’est exprimé à l’ouverture du procès. « Je vais faire une déclaration préalable », a-t-il annoncé au moment de décliner son identité devant la cour d’assises spéciale. « Je n’ai jamais été le geôlier des otages occidentaux ni aucun autre, et je n’ai jamais rencontré ces personnes en Syrie », a-t-il ajouté, assurant qu’il n’avait été qu’un « soldat sur le front » engagé dans divers groupes jihadistes contre le régime de Bachar al-Assad.

Doivent aussi comparaître Abdelmalek Tanem (35 ans), déjà condamné en France pour avoir rejoint la Syrie en 2012 et soupçonné d’avoir été un des geôliers, et le Syrien Kais Al-Abdallah (41 ans), facilitateur de l’enlèvement de Nicolas Hénin et Pierre Torres selon l’enquête. Tous deux nient. Sont en outre jugés – même s’ils sont présumés morts – le haut cadre de l’État islamique Oussama Atar (déjà condamné par défaut à la perpétuité au procès des attentats du 13-Novembre qu’il avait commandités) et Salim Benghalem, considéré comme le chef de la détention des otages. Le procès tant attendu doit se conclure le 21 mars prochain.

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