Gilets jaunes : les députés votent à l’unanimité une proposition visant enfin à rendre public les cahiers de doléances

La parole citoyenne va enfin arrêter de prendre la poussière. Ce mardi 11 mars, la proposition de résolution transpartisane (hors RN), portée par la députée écologiste Marie Pochon, a été adoptée à l’unanimité. Celle-ci vise à rendre publics les cahiers de doléances, rédigés par les citoyens après le mouvement des gilets jaunes, mais aussi à accompagner la recherche dans le travail d’analyse de ces documents.

Depuis six ans, ces revendications sont en grande partie inaccessibles, stockées dans les archives départementales. Jusqu’ici, le gouvernement freinait pour éviter de les en sortir. Une opacité synonyme de scandale démocratique pour les députés signataires, présents lors d’une conférence de presse au Palais Bourbon. « La promesse présidentielle de rendre publics ces cahiers à l’ensemble des Français n’a pas été tenue, regrette Marie Pochon. Avec un grand nombre d’élus, de collectifs citoyens et de chercheurs, nous souhaitons la restitution de ces doléances, ainsi que leur reconnaissance en tant que trésor national. »

Les 19 247 cahiers rédigés fin 2018 et début 2019, pendant le grand débat national lancé par Emmanuel Macron, dans 16 337 communes doivent, si la loi est définitivement adoptée, sortir des sous-sols. L’objectif est de les numériser afin de permettre à tous d’y accéder.

La justice sociale au cœur des doléances

La représentation nationale se substitue donc au président de la République, lequel n’a pas tenu ses engagements. Celui-ci devait, le 15 avril 2019, s’adresser aux Français et tirer les leçons qu’il retenait des doléances. Mais l’incendie de Notre-Dame de Paris a changé la donne et la promesse est retournée dans les tiroirs de l’Élysée.

Jusqu’à ce que Marie Pochon ne s’empare du dossier, en déposant son texte en janvier 2024. Il aurait dû être examiné en juin dernier mais la dissolution de l’Assemblée nationale a encore reporté les débats. Une crise politique qui rend, selon la députée écologiste, encore plus nécessaire « d’écouter la parole citoyenne pour ne pas aggraver la fracture démocratique en France, qui est déjà mise à mal ».

Lors de l’examen du texte en séance publique, Nicolas Sansu affirme que la macronie a la fâcheuse habitude « de faire taire le peuple ». « Les conclusions des Français sont constamment jetées aux oubliettes. La publication des cahiers rédigés par des invisibles permettra d’arracher leurs souffrances et de mettre en exergue leurs propositions », assure le député PCF.

« Ils tiennent à la liberté »

Dans ces 400 000 pages noircies par les deux millions de contributions, l’immigration et la sécurité, contrairement à ce que laisse penser le débat médiatique bollorisé, n’occupent pas une position centrale. En revanche, on peut y lire l’état du délabrement social du pays. « Inflation, justice fiscale, préservation de services publics, accès à la santé… liste l’insoumis Arnaud Le Gall. Tous ces sujets préoccupent les Français : ils attendent des réponses. » « Ces cahiers de doléances sont de véritables outils », assure le député PS Arthur Delaporte. Autant de sources sur lesquelles parlementaires et élus locaux doivent s’appuyer.

« Nos citoyens ont un rapport extrêmement puissant à la démocratie et à la République, affirme Fabrice Dalongeville, maire sans étiquette d’Auger-Saint-Vincent, une commune de 500 habitants située dans l’Oise. Ils tiennent à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. Ces cahiers leur permettent ainsi d’exprimer leur colère mais aussi leur espoir concernant la promesse républicaine. »

En janvier 2024, l’Humanité s’est rendue dans l’Essonne et les Yvelines pour consulter les cahiers de doléances. Le témoignage d’une retraitée précaire de Poissy résumait presque à lui seul la détresse contenue dans ces documents, où s’exprime la demande d’une vie digne avec des revenus plus justes.

Une bataille loin d’être gagnée

« Nous les séniors qui avons une retraite supérieure à 1 200 euros par mois, pourquoi allons-nous être sévèrement pénalisés par l’imposition de la CSG sur nos revenus, ce qui réduira considérablement notre pouvoir d’achat ? Nous méritons autant de considération que les très riches, dispensés de l’impôt sur la fortune pour éviter la fuite des capitaux à l’étranger », écrit-elle.

L’oubli volontaire de ces cahiers post-mouvement des gilets jaunes constituait jusque-là un raté démocratique complet alors que, selon Marie Pochon, il s’agit, sur le papier, « de la plus grande consultation en expression libre de notre histoire ». « Les derniers cahiers remontent à 1903 lorsque Jean Jaurès a commencé un travail de recherche et de publication des doléances de la Révolution française », poursuit-elle. Malgré cette adoption en première lecture, la bataille reste loin d’être gagnée. L’écologiste promet « d’assurer le suivi » pour que la résolution ne laisse pas lettre morte.

Avant de partir, une dernière chose…

Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :

  • nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
  • nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.

L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.
Je veux en savoir plus