REPORTAGE. "J'ai cette soif-là de rentrer, mais où ?" : en RDC, des dizaines de milliers de déplacés retournent dans leurs villages ravagés par les combats
Dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), des dizaines de milliers de déplacés ont quitté, dans le plus grand dénuement, les camps situés autour de la ville de Goma après l’ultimatum fixé par les rebelles du M23. Une longue marche pour retourner dans leurs villages transformés en champs de bataille et menacés par les groupes armés.
Ils voyagent à pied dans la cohue des deux côtés de la route saturée de camions, de voitures ou de motos-taxis. Malia est veuve, dit avoir 45 ans et porte un enfant de 2 ans sur le dos, suivi par d'autres. Le plus grand n'a pas dix ans. "Ils nous ont donné trois jours pour rentrer chez nous car ils ne veulent plus de déplacés dans la ville, déplore-t-elle. Nous sommes en danger. Nous, ce qu'on veut, c'est la paix."
Et la paix dans cette région aux collines verdoyantes, Jabari n'en a jamais vraiment goûté la saveur., A bientôt 40 ans, il suit le flot de déplacés. "Nous rentrons comme des malheureux. Vraiment, c'est catastrophique, soupire-t-il. Depuis 1993, [où] j'étais un petit garçon de 5 ans, je n'ai jamais eu la paix dans ma vie. Même deux ans de paix."
La maison familiale soufflée par une roquette
Ces civils exsangues ne sont pas au bout de leurs souffrances. Après une longue marche sans eau ni nourriture, Germaine a retrouvé sa ville de Sake, sa maison en bois partie en fumée et la maison familiale, de l'autre côté de la route, soufflée par une roquette. "Ça fait mal parce que cette maison ici habitait tant d'enfants, raconte-t-elle. Voilà comment nous sommes ici."
"Où est-ce que nous allons passer la nuit ? Nous avons tout perdu."
Germaine, habitante déplacéeà franceinfo
"Une chambre et une deuxième, plus les cinq là-bas, ça fait sept. Donc il y avait un salon là-bas", décrit Jules, qui fait le tour d'une maison qui n'existe plus et marche sur une dalle de béton recouverte d'une couche de cendres. "Le plus grand choc que j'ai connu dans ma vie, affirme-t-il. J'ai fait trois jours sans sommeil. J'ai pleuré, je ne sortais même pas. Moi-même, j'ai cette soif-là de rentrer, mais où ?", se demande-t-il.
Ces déplacés sont sommés de rentrer chez eux, mais pour combien de temps ? L'est de la RDC est une véritable poudrière. Plusieurs pays de la région y ont une présence militaire. Une guerre régionale jetterait des centaines de milliers de civils sur les routes de l'exode.