REPORTAGE. "Un agribashing qui dure" : les syndicats agricoles déplorent majoritairement la censure de la loi d'orientation agricole par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a censuré, totalement ou partiellement, près d'un tiers des articles de la loi d’orientation agricole, jeudi 20 mars. Le texte, très attendu par les professionnels du secteur, avait été adopté avant le salon de l’agriculture. Certaines mesures clés ont été retoquées et cela fait réagir les syndicats agricoles.

Parmi les mesures censurées : le principe de "non-régression de la souveraineté alimentaire", qui visait à protéger le potentiel agricole français, pour ne pas baisser la production. Les Sages estiment que la formulation du principe de "non-régression" était trop floue et que cela peut avoir des conséquences sur des futures lois. La FNSEA dit regretter cette censure, par la voix de Luc Smessaert, l'un des vice-présidents du premier syndicat agricole : "On a été très surpris. Il est indispensable qu'on produise notre alimentation et qu'on se donne vraiment l'ambition de casser le fait qu'on importe tous les ans un peu plus. Quand on voit ce qui se passe en Russie, aux Etats-Unis, il est urgent de produire son alimentation. C'est stratégique."

Présomption de non-intention retoquée

La FNSEA salue toutefois le maintien dans la loi de la dépénalisation des atteintes involontaires à l’environnement, comme le fait de débroussailler sans savoir que cela nuit à une espèce d'oiseau, par exemple. Ces atteintes seront désormais punies d’une simple amende de 450 euros, au lieu d'un délit qui pouvait aller jusqu'à une peine de prison.

Le Conseil constitutionnel retoque néanmoins la présomption de non-intention, tout comme la présomption de bonne foi des agriculteurs en cas de contrôle sur les exploitations. Des mesures qui allaient trop loin, il fallait effectivement les supprimer, d'après Laurence Marandola, porte-parole nationale de la Confédération paysanne : "Cela montre bien qu'il y a un rouleau compresseur qui essaye de passer outre certaines choses, dont notre Constitution, mais ce n'est pas possible !"

"Ce n'est pas en affaiblissant certaines choses que, sur le moyen et le long terme, on arrivera à avoir une agriculture qui continue à produire et à nourrir nos concitoyens."

Laurence Marandola

à franceinfo

Retour des manifestations

Autre revers pour les défenseurs du texte, la disposition qui imposait au gouvernement de ne pas surtransposer les règles européennes a été censurée. C'était une demande des agriculteurs pendant leurs manifestations. Sa suppression au nom du droit dépite Patrick Legras, porte-parole national de la Coordination rurale : "Ça correspond à cet agribashing qui dure, avec la profession où il y a le plus de suicides, la profession qui perd des agriculteurs pour des raisons financières, avec des prix mondiaux qu'on ne supporte pas."

Il se dit "dépité" et prévoit "une remontée des manifestations et de l'agressivité des agriculteurs, quel que soit leur syndicat". Reste un point de satisfaction pour de nombreuses filières : le Conseil constitutionnel valide le fait que les autorités ne pourront plus interdire un produit phytosanitaire sans qu'il existe une alternative.