Notre critique de Chien 51, un Blade Runner à la française

La Ville Lumière, noyée sous des trombes de pluie, n’a jamais été aussi sombre et anxiogène. Dans ce futur proche de 2045, la capitale française se subdivise en trois zones. L’hypercentre, réservé à l’élite des super-riches, la zone 2 qui regroupe les classes intermédiaires, sorte de purgatoire acceptable. Et la zone 3 qui concentre toute la pauvreté dans des sortes de méga-favellas faites de déchets recyclés. C’est là que vit et travaille Zem Sparak (Gilles Lellouche, plus peroxydé que jamais), flic vétéran, exilé grec déclassé qui porte le matricule « Chien 51 ». Le nom d’un roman dystopique de Laurent Gaudé adapté par Cédric Jimenez, qui s’aventure du côté de la science-fiction.

Un crime a lieu sur l’île Saint-Louis. Les brigades policières de la zone 2 prennent en chasse les fuyards. Salia (Adèle Exarchopoulos et son séduisant carré à la Louise Brooks), enquêtrice volontaire et déterminée, suit la trace du dernier suspect jusqu’en zone 3 tandis que les drones policiers qui l’accompagnent échouent à appréhender le fugitif. Zem et Salia vont devoir faire équipe et mener l’enquête.

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Un cauchemar orwellien devenu réalité

Dans cette société ultra-sécuritaire, flâner sur les grands boulevards consiste à franchir une série de checkpoints. À chaque instant, on peut se faire contrôler par reconnaissance faciale et oculaire. Surtout si l’on ne porte pas son bracelet identitaire. Une intelligence artificielle (IA) baptisée Alma est désormais garante de l’ordre et de la justice. Un cauchemar orwellien devenu réalité. Même si certains groupuscules comme Breakwalls menés par le mystérieux gourou Jon Mafam (Louis Garrel) luttent contre l’IA.

Thriller d’anticipation à la française ultra-efficace, Chien 51 lorgne sans vergogne du côté des blockbusters américains tels Blade Runner, Minority Report ou Les Fils de l’homme. Notamment avec cette vision d’un Paris nocturne anxiogène noyé sous des trombes de pluie, qui pourra aussi rappeler l’atmosphère déliquescente mise en images par Enki Bilal dans La Foire aux Immortels au début des années 80. Ténébreux et musclé, le long-métrage futuriste de Cédric Jimenez a bénéficié d’un budget considérable de 50 millions. Chaque euro se voit à l’écran. Son style est percutant et les nombreuses séquences de poursuites, sur les quais de Seine, dans les égouts ou dans un commissariat à l’aide de drones, impressionnent par leur virtuosité.

Même si elle reste classique, l’intrigue reste concise, et l’histoire va droit au but. La romance entre Zem et Salia a même la place de s’épanouir dans ce chaos déshumanisé, comme une petite fleur qui pousserait entre les pavés. Du côté de la bande-son, on se réjouira d’entendre le morceau What’s Up des 4 non Blondes chanté en chœur par Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos dans la belle séquence de karaoké. Sans oublier un final déchirant, qui résonne sous les accents planants du Wish You Were Here des Pink Floyd. Juste avant de plonger dans le biopic sur Johnny Hallyday, le réalisateur de Bac nord et Novembre signe là un blockbuster d’action made in France.